L’Afrique en campagne

De l’Algérie au Lesotho et de la Gambie au Kenya, ce sont pas moins de vingt pays qui voteront cette année. À la présidentielle ou aux législatives.

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Pas plus qu’une hirondelle ne fait le printemps une élection ne fait la démocratie. Mais rarement dans le passé il y a eu autant de consultations électorales que cette année sur le continent. De la Gambie au Lesotho, de l’Algérie au Kenya, ce ne sont pas moins d’une vingtaine de pays qui sacrifient au respect du calendrier républicain – et pas seulement pour la forme. Avec ici ou là, incontestablement, beaucoup de progrès par rapport aux précédents scrutins. Sans doute parce que davantage d’observateurs locaux ou internationaux se mobilisent, parce que l’organisation des scrutins n’est plus laissée aux seules mains des pouvoirs publics, que commissions et observatoires nationaux des élections fleurissent et suivent le processus depuis l’inscription sur les listes jusqu’au dépouillement et à la proclamation des résultats.
Parce que, aussi, l’idée même de bonne gouvernance devient, chaque année un peu plus, une réelle préoccupation de la population. Qu’une opinion publique se fait jour, qu’Internet se fraie un chemin, que les téléphones cellulaires qui permettent la transmission de l’information en temps réel sont monnaie courante. Et que presse écrite indépendante et radios ainsi que chaînes de télévision privées veillent, non sans – parfois -excès et partis pris : une maladie de jeunesse. Résultat : l’exigence de transparence s’installe peu à peu dans les murs politiques. Même si elle existe encore, la fraude recule. Elle n’atteint plus en tout cas les mêmes proportions qu’hier.
Signe des temps, à l’exception d’une petite poignée de pays où la consultation présidentielle ou législative a été reportée aux calendes africaines (Tchad, Zimbabwe), ou risque de l’être (Côte d’Ivoire, Guinée), partout ailleurs, l’échéance est respectée. Signe des temps aussi, à quelques rares exceptions près, dont la présidentielle ivoirienne ou celle de la Sierra Leone couplées aux législatives, les élections aléatoires ou à risque se font rares. Signe des temps, enfin, celles-ci sont entourées parfois d’un véritable suspense. Il en est ainsi des présidentielles mauritanienne, comorienne (pour le choix du chef de l’exécutif dans chacune des trois îles de l’archipel) ou kényane et des législatives marocaines, sénégalaises, béninoises, congolaises, togolaises Certains de ces scrutins pourraient d’ailleurs déboucher, phénomène plutôt rare sur le continent, sur une cohabitation.
L’Afrique bouge sur le front de la démocratie. Le fait de glisser un bulletin dans l’urne y devient un enjeu réel. Au point que formations politiques et société civile se mobilisent parfois pour faire pièce aux velléités de tel ou tel chef d’État d’amender la Constitution afin de prolonger son bail à la tête de son pays. Le président Olusegun Obasanjo a dû ainsi faire machine arrière. En avril prochain, il ne sera pas en lice dans la course à sa propre succession. Et c’est peut-être, là aussi, un signe fort que le dernier exemple (en date) de volonté d’émancipation démocratique vienne du pays le plus peuplé d’Afrique, celui qui cette année organise la plus vaste consultation (présidentielle, législatives, élection des gouverneurs ainsi que des assemblées locales), celle de tous les records. L’une de celles qui vont réunir le plus grand nombre d’observateurs, de plus en plus impliqués dans les processus démocratiques. À commencer par l’Union africaine (UA), les organisations régionales et la communauté internationale, qui restent convaincues que la mauvaise organisation des consultations électorales et leur contestation servent de terreau aux conflits de tous ordres.
L’UA va ainsi soumettre aux chefs d’État réunis en sommet les 29 et 30 janvier à Addis-Abeba une Charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance. Le texte, qui a été recalé au sommet de Banjul en juillet 2006, les invite, entre autres, à bannir toute manipulation constitutionnelle pour rester au pouvoir, à accepter de mettre sur pied des organismes indépendants chargés de l’organisation des élections, et à créer des mécanismes dotés de pouvoirs juridiques appelés à régler les conflits postélectoraux. En octobre 2006, à Niamey, la rencontre ministérielle entre la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Union africaine a été également, pour l’essentiel, consacrée à ce sujet.
Il ne reste plus qu’à attendre le verdict des urnes. Et à le respecter.

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