Amina Bouzguenda Zeghal, la Tunisienne qui fait rayonner la francophonie
La mathématicienne et directrice de l’université Paris-Dauphine Tunis est la lauréate 2019 du Prix du rayonnement français pour la francophonie, qui lui a été remis début octobre lors d’une cérémonie organisée au ministère des Affaires étrangères à Paris. Portrait.
« Fille de Bourguiba, je lui dois d’avoir permis à la femme tunisienne de s’émanciper, de s’éduquer et de se voir sans complexe l’égale de l’homme. Je suis aussi fille de Senghor, car Africaine. J’étais enfin une jeune étudiante épanouie en France. Riche de ma biculturalité, je mets aujourd’hui cet héritage au service des étudiants africains », raconte d’une voix calme Amina Bouzguenda Zeghal. La Tunisienne a reçu mardi 1er octobre le prix du rayonnement français pour la francophonie – alors que le 50e anniversaire de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) se tiendra à à Tunis en 2020 – , au cours d’une cérémonie récompensant des lauréats dans neuf catégories dont la culture, la science, l’économie, l’environnement ou encore la gastronomie.
La distinction, créée par Joëlle Garriaud-Maylam, sénatrice représentant les Français de l’extérieur et présidente de l’Association pour le rayonnement français, récompense depuis dix ans des personnalités qui « font rayonner les valeurs de la France sur tous les continents ». La cérémonie de remise de l’édition 2019 s’est tenue au Quai d’Orsay, en présence du maître des lieux, Jean-Yves Le Drian, du ministre français de l’Intérieur Christophe Castaner, ainsi que de parlementaires, de diplomates et opérateurs économiques aussi bien hexagonaux qu’étrangers.
Amina Bouzguenda Zeghal, 44 ans, est à la tête de l’université Dauphine Tunis, premier campus à l’étranger de l’institution francilienne – où elle avait obtenu, en 2005, un doctorat en mathématiques appliquées à la finance. Sourire aux lèvres lors de la réception de son prix, elle salue, remercie et reçoit des cartes de visite. Le discours de cette ancienne trader et ex-professeure de maths – à Paris, aux États-Unis et en Tunisie – , qui a eu l’occasion de travailler son éloquence lors de nombreuses conférences pour vulgariser sa discipline, a touché de nombreux invités qui se prennent en photo avec elle.
« Université inversée »
« La francophonie est plus que l’héritage d’une langue, d’une culture et de valeurs, expose-t-elle à Jeune Afrique. C’est aussi un vaste espace économique en forte croissance, qui comptera 700 millions d’âmes en 2050, essentiellement en Afrique. L’enseignement francophone de qualité sur le sol africain est un outil nécessaire pour faire de la francophonie un espace d’opportunités pour tous. » Directrice de Dauphine Tunis depuis 2014, Amina Bouzguenda Zeghal conçoit pour cela des programmes de formation « en adéquation avec les besoins du marché de l’emploi ».
Les profils issus de nos filières étant très demandés, nous pré-sélectionnons des étudiants, puis les présentons à des entreprises qui financent leur formation
Dauphine Tunis propose par exemple des masters en actuariat et en Big data. Et les diplômes délivrés sur la rive sud de la Méditerranée ont la même valeur que ceux qui le sont dans la capitale française. « Je suis convaincue que l’université doit permettre de former les citoyens de demain », aime à répéter la mathématicienne, qui tient à populariser le concept « d’université inversée ». Ce dernier implique de rendre l’enseignement supérieur plus accessible aux personnes d’origine modeste, en faisant prendre en charge leurs frais de scolarité par des sociétés privées.
« Les profils issus de nos filières étant très demandés, nous pré-sélectionnons des étudiants, puis les présentons à des entreprises qui financent leur formation. Les étudiants s’engagent ensuite à travailler au sein de la structure pendant une certaine durée. »
Rationnel et irrationnel
À l’occasion du dixième anniversaire de l’université, Amina Bouzguenda Zeghal a lancé un projet d’éco-quartier baptisé Edutech. Celui-ci a pour objectif de réunir au sein du même espace des pôles de formation, des entreprises, des incubateurs, un complexe culturel et sportif, ainsi que des logements et services de proximité.
« C’est la rationalité des mathématiques qui a fait mon expertise, mais aujourd’hui, en tant que manager d’une institution éducationnelle, je dois composer avec l’humain, qui est par définition irrationnel. Finalement, les deux aspects se complètent, l’un dans le raisonnement, l’autre dans le comportement », philosophe-t-elle.
Par ailleurs engagée sur les questions relatives aux droits des femmes, ainsi qu’associée à Advans, une banque de microfinance, Amina Bouzguenda Zeghal a participé au projet « Autocracy » de l’artiste JR après la révolution, en 2011. « Nous avons photographié et collé une mosaïque de photos de Tunisiens partout dans le pays, en remplacement de la photo du président déchu, se souvient-elle avec malice. Le plus drôle dans cette histoire, c’était de me retrouver avec les copains en train de coller des photos sur la Porte de France, à 3h du matin pour éviter la foule ! »
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan