Jean-Baptiste Ouédraogo
Ancien président de la Haute-Volta
Somgandé, un quartier au sud de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. En partant du centre-ville, sur la route de Ziniaré, non loin d’un grand hôtel, un panneau, sur la gauche, attire les regards : clinique Notre-Dame-de-la-Paix. La flèche invite à s’engager sur la rue Jean-Baptiste-Ouédraogo. Une grande cour de 4 hectares clôturée par un haut mur en parpaing apparaît. À côté de l’entrée, des parkings. Dans la cour arborée, avec des allées fleuries et des espaces de repos, trône un grand bâtiment entouré de plusieurs blocs. Tout est propre. Chaque matin, à 7 h 30, le maître des lieux, un homme de 64 ans, parcourt les quelques mètres qui séparent la clinique de son domicile. Il est pédiatre. Son nom : Jean-Baptiste Ouédraogo. Signe distinctif : ancien président de la République. Ce qui n’est pas banal.
C’est le 4 août 1983 que Jean-Baptiste Ouédraogo est tombé du piédestal. Ce jour-là, une voix annonce solennellement à la radio nationale que « des soldats, sous-officiers et officiers de toutes les unités, dans un élan patriotique, ont décidé de balayer le régime de soumission et d’aplatissement mis en place depuis le 17 mai 1983 par le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouédraogo ». Ce coup d’État, un de plus, consacre la victoire de l’aile « progressiste » de l’armée, menée par le capitaine Thomas Sankara, sur le chef de l’État en place depuis le 8 novembre 1982. Après sa chute, l’ancien numéro un sera détenu pendant deux ans. Placé ensuite en résidence surveillée, il ne redeviendra totalement libre qu’après octobre 1987.
Né le 30 juin 1942 à Kaya (nord-ouest du pays), Jean-Baptiste Ouédraogo commence ses études à l’école primaire catholique de Bam. Il fréquente ensuite le petit séminaire de Pabré, avant d’intégrer le lycée Philippe-Zinda-Kaboré de Ouagadougou. Il étudie la médecine à l’université d’Abidjan (Côte d’Ivoire), puis à l’École de santé navale de Bordeaux (France), l’actuelle École du service de santé des armées, avant de se spécialiser en pédiatrie et en puériculture à Strasbourg (France). De 1976 à 1977, il est responsable du service de pédiatrie de l’hôpital Yalgado-Ouédraogo de Ouagadougou. En 1982, il est nommé médecin-chef de la clinique du nouveau camp militaire de la capitale voltaïque.
Le 7 novembre 1982, le colonel Saye Zerbo tombeur, deux ans auparavant, du général Sangoulé Lamizana, est renversé. « Le coup d’État avait été préparé au seul profit de Thomas Sankara, affirme aujourd’hui Jean-Baptiste Ouédraogo. Mais Sankara a décliné l’offre au dernier moment. On m’a, enfin, choisi contre mon gré, parce que j’étais l’officier le plus ancien dans le grade de commandant. » Sans expérience politique ni base idéologique à l’inverse de son Premier ministre Sankara, Ouédraogo est vite débordé par l’aile gauche du Conseil de salut du peuple (CSP), qui le trouve conservateur et profrançais.
Le chef de l’État, « libéral et démocrate sincère », selon sa propre définition, doit affronter des « marxistes purs et durs ». Derrière ces derniers se cache la Libye, alors que lui est « l’ami des Français ». Le 16 mai 1983, Guy Penne, conseiller du président français François Mitterrand, débarque à Ouagadougou. Le lendemain, Thomas Sankara est mis aux arrêts. Coïncidence troublante. Dans la garnison de Pô, au sud du pays, Blaise Compaoré prépare la réplique. Mission accomplie le 4 août 1983.
S’il reconnaît n’avoir pas été maltraité pendant sa traversée du désert, « les mensonges et les dossiers fabriqués de toutes pièces » ont atteint Jean-Baptiste Ouédraogo. Sa liberté retrouvée, il renoue avec la médecine en reprenant du service à l’hôpital Yalgado-Ouédraogo. Mais il rêve de créer sa propre structure. Nous sommes en 1992. Grâce à ses relations, une banque française lui prête 250 millions de F CFA. Ainsi naît la clinique Notre-Dame-de-la-Paix.
Arrivé à la clinique chaque matin à 7 h 30, le docteur Jean-Baptiste Ouédraogo, qui soigne entre 400 et 500 patients par mois, marque une pause à 12 h 30. Il travaille ensuite de 15 heures à 18 heures. Les mercredis après-midi, il reste chez lui. Il emploie plus d’une centaine de personnes. Sa femme, professeur, l’a rejoint. Les trois enfants Ouédraogo sont également médecins. Le pouvoir dans tout cela ? « Il est incompatible avec l’honnêteté », dit-il sans amertume. Le régime actuel lui verse une pension civile. Reconversion réussie pour cet ancien chef de l’État qui préfère être appelé « Docteur » plutôt que Monsieur le Président.
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