Folie des grandeurs

Kadhafi envisagerait d’acheter à la France entre 13 et 18 avions de combat Rafale. Pour un montant total de 2,5 milliards d’euros.

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

La Jamahiriya n’est pas seulement « arabe », « libyenne », « populaire » et « socialiste », elle est aussi « grande », par analogie avec la Grande-Bretagne, comme l’a un jour avoué Mouammar Kadhafi. Du coup, elle n’épargne ni ses efforts ni ses deniers pour justifier ce qualificatif autodécerné. N’a-t-elle pas dépensé plus de 35 milliards de dollars pour réaliser la Grande Rivière artificielle, un système de pompage de l’eau souterraine du désert destiné à approvisionner l’ensemble des villes et des villages du pays ?
Selon toute apparence, elle a consacré une somme au moins aussi importante à l’achat d’avions et de chars pour mener la guerre au Tchad et tenter – en vain – de créer les « États-Unis du Sahel et du Sahara ». Le problème du « Guide » est qu’il est fasciné par les grandes puissances, qu’il rêve inlassablement d’imiter. Sa chance – mais en est-ce une ? – est qu’il dispose pour cela de l’immense manne pétrolière et gazière. Résultat : un gaspillage effréné, notamment dans la construction d’infrastructures et l’achat d’armements. Un exemple ? Dans les années 1970, désireux de se doter d’avions de combat, il avait acheté d’un coup quarante MIG 25 soviétiques et plus de cent Mirage III et V français. Ces derniers appareils étaient vite devenus démodés ? Qu’importe, il s’était offert en prime, sans sourciller, une cinquantaine de Mirage F1 !
2007 marque une nouvelle étape dans cette course aux armements. Deux ans après la fin de l’embargo international sur les ventes d’armes à la Libye (1986-2005), la rumeur enfle : des négociations seraient plus ou moins secrètement engagées entre les Libyens et leurs fournisseurs russes, italiens, français et chinois, par le biais, naturellement, d’un certain nombre d’intermédiaires. Pour faciliter les choses, Tripoli a même créé une vitrine : le Lavex, un salon aéronautique annuel (civil et militaire), avec exposition de matériels et shows aériens (J.A. n° 2397).
Pour ce qui les concerne, les Russes souhaitent remettre à neuf leurs vieux MIG. Ils ne font qu’emboîter le pas aux Français, qui, pour leur part, ont déjà décroché un contrat d’une centaine de millions d’euros pour la modernisation de 12 Mirage F1, sur les 38 que possède encore l’armée libyenne.
Mais le plus beau est sans doute à venir. Les 14 et 15 janvier, la presse française a évoqué, sans être vraiment démentie, une commande de 13 à 18 Rafale, le dernier-né de l’avionneur français Dassault, pour un montant total de 2,5 milliards d’euros. Si ces chiffres sont exacts, le montant des commissions devrait être proprement vertigineux. Il faut savoir que le prix moyen d’un Rafale commandé à 120 exemplaires par l’armée française est, selon le ministère de la Défense, d’environ 45 millions d’euros, prix qui « correspond à un avion prêt au vol avec l’ensemble de ses équipements opérationnels, y compris pour la guerre électronique ». En règle générale, le prix est doublé pour les clients du Moyen-Orient, puisqu’il s’agit d’un « package » incluant la formation et la livraison de pièces de rechange. Pour la Libye, le prix serait trois fois plus élevé.
On en saura probablement davantage lors du salon du Bourget, au mois de juin, auquel les Libyens devraient participer. Mais après tout, 2,5 milliards d’euros ne représentent que 8 %, à peine, des recettes annuelles d’hydrocarbures de la Libye. Et 4 % de ses réserves en devises à la fin de 2006, selon le FMI. Pour la France, cette somme correspond à une année et demie d’achats de pétrole libyen.

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