Dakar, « ville nouvelle »

Les nombreux chantiers entrepris dans la capitale vont changer le visage de l’agglomération… Mais les riverains s’impatientent.

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 4 minutes.

Plus d’une heure pour rejoindre en voiture les premiers faubourgs de Dakar depuis le quartier du Plateau, alors que la route longeant la Corniche en bord de mer reste fermée à la circulation pour cause de réhabilitation Pas de doute la capitale sénégalaise est en chantier. Les grues et bulldozers s’affairent jusqu’à la nuit tombée, une armada d’ouvriers travaille sept jours sur sept Dakar ne s’était pas vu grandir. Surpeuplée, polluée et totalement embouteillée, la ville est à la recherche d’une seconde jeunesse. À grands coups de pelleteuses, on redessine la cité alors que des hôtels sortent de terre. « Mon futur, c’est aujourd’hui ! » s’enthousiasme la jeune Amina sur d’immenses affiches censées obtenir l’indulgence des riverains pour les désagréments subis. « En route vers le sommet ! » précise un autre gigantesque panneau à l’adresse de ceux qui ne le sauraient pas encore.
Après plusieurs reports successifs, le Sénégal se prépare à accueillir, en mars 2008, le 11e sommet de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) avec sa cohorte de chefs d’État et de rois accompagnés par d’imposantes délégations circulant sirènes hurlantes. « Le sommet a été une opportunité en termes de financements. Nous serons prêts, puisque nous travaillons sur un agenda 2007 », affirme Cheikh Diallo de l’Agence nationale de l’OCI (Anoci) dirigée par Karim Wade, le fils du chef de l’État. « Depuis l’indépendance du pays, en 1960, très peu d’investissements ont été réalisés. Nous sommes conscients des nuisances causées par les travaux, mais lorsqu’ils seront terminés, la mobilité urbaine sera considérablement améliorée. À ce jour, les pertes annuelles liées à l’engorgement de la ville sont de 102 milliards de F CFA », commente Madior Sylla, un autre collaborateur.
En attendant, « circuler dans Dakar est infernal », proteste Birane, un chauffeur de taxi bloqué dans un bouchon inextricable au beau milieu du quartier de Colobane situé le long de la zone industrielle et du port. En cause, la prochaine autoroute à péage qui reliera, sur 34 kilomètres, Dakar à Diamniadio, où une nouvelle zone industrielle doit prochainement voir le jour. Des sociétés chinoise, portugaise et sénégalaise ont remporté ce contrat évalué à 200 milliards de F CFA dont le financement est assuré par un partenariat public-privé. Si ce ruban de bitume relève du bon sens pour une agglomération qui a vu sa population passer de 500 000 habitants dans les années 1960 à près de 2,4 millions aujourd’hui, pour l’heure, les riverains s’impatientent. Le premier tronçon doit être livré en février 2007, le deuxième est annoncé pour novembre 2008. Pour le troisième, bien peu s’aventurent au jeu des pronostics ! Parallèlement, les sept kilomètres sur la Corniche se font attendre malgré les 22 milliards alloués par le Fonds koweïtien pour le développement économique. Quant aux travaux d’élargissement de la Voie de dégagement nord (VDN), dont le coût de 20 milliards de F CFA est en partie pris en charge par la Banque islamique de développement (BID), ils n’ont pas encore débuté.
« Ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Après de longues années d’immobilisme, ces investissements offrent de nouvelles perspectives », estime un expert international. Le président Wade s’est voulu bâtisseur, mais l’intendance a du mal à suivre
Parmi les grands projets du chef de l’État figure en bonne place le nouvel aéroport international Blaise-Diagne de Ndiass, à 40 kilomètres de la capitale. Le développement anarchique de l’habitat aux environs immédiats de l’actuel aéroport de Dakar-Yoff rend impossible son extension. D’ici à 2020, le trafic atteindra 3 millions de passagers et 54 000 tonnes alors que les capacités actuelles ne permettent d’accueillir que 1,5 million de personnes. Le projet est évalué à 175 milliards de F CFA, mais le bouclage du financement n’est pas achevé.
À cela s’ajoute la construction en cours de cinq hôtels (5 étoiles), d’un centre de conférences de 1 500 places et d’un palais des congrès qui abritera le sommet de l’OCI. Les promoteurs sont espagnols ou sénégalais, et les financements proviennent en partie des pays du Golfe. « Dakar va devenir un lieu privilégié pour les grandes conférences internationales, et le Sénégal pourra se positionner comme destination de premier choix », assure-t-on à l’Anoci. Priorité affichée, le tourisme d’affaires alors que le Sénégal ne compte actuellement que 700 000 arrivées par an. D’ici à 2010, l’objectif est d’accueillir 1,5 million de visiteurs. Montant des investissements : 353 milliards de F CFA. « Le Sénégal a la possibilité de développer le tourisme balnéaire », ajoute un observateur prenant exemple sur les Canaries qui accueillent 13 millions de personnes par an. Les plages de Casamance et le Parc national de la langue de Barbarie (près de Saint-Louis, au nord), présentent un vif intérêt touristique.
Dans les cartons figurent aussi une « Cité des affaires » en lieu et place de l’actuel aéroport ainsi qu’une « ville nouvelle » de 5 000 hectares qui serait construite à 120 kilomètres au nord-est de Dakar, au bord de l’océan. « On n’est pas loin des éléphants blancs », persifle un journaliste sénégalais qui doute de la réalisation de ces projets. En revanche, les travaux d’extension du Port autonome de Dakar (PAD) ont d’ores et déjà commencé. Au programme : un terminal à conteneurs, une plate-forme de distribution, une route de contournement et un agrandissement de quai, pour un coût total de 40 milliards de F CFA. En complément, les autorités annoncent la construction d’un port à Bargny, en périphérie de Dakar, pour le traitement des produits miniers et pétroliers.
Les ambitions sont réelles même si, parfois, le manque de financements risque fort d’appeler à un peu plus de modestie. En attendant, tout ce qui est en passe d’être réalisé constitue, bel et bien, un atout pour l’avenir. Et un levier, pour le développement du pays. En 2003, les investissements publics se sont élevés à 200 milliards de F CFA dans le secteur du BTP (4 % du PIB), et la part du privé a atteint 340 milliards de F CFA. Et si les professionnels constatent déjà une baisse dans les carnets de commandes, ce volume d’affaires aura été l’un des piliers de la croissance du PIB, qui s’est établie autour de 6 % de 2003 à 2005.

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