Coloniser n’est pas civiliser

La philosophe et romancière Catherine Clément questionne l’histoire de la colonisation pour mieux nous faire comprendre la diversité des peuples.

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

Qu’est-ce qu’un peuple premier ? En donnant ce titre à son dernier ouvrage, la philosophe et romancière Catherine Clément annonce la couleur : sa démarche est didactique. Mais au bout des quelque 220 pages – dont bon nombre d’illustrations, notamment celles de la période coloniale, d’un ridicule savoureux -, la question est toujours sans réponse. « Le mot premier ne convient pas. Autant le dire d’emblée, aucun mot ne convient », écrit d’ailleurs l’auteur dès les premières lignes. En philosophe, Catherine Clément préfère disséquer cette expression à la fois controversée parce qu’elle résonne comme une leçon de civilisation donnée par le Nord au Sud -, et pratique – parce qu’elle permet à l’Occident lointain de désigner une réalité complexe, étrange, qui lui résiste. Celle des peuples isolés que les puissances coloniales ont rencontrés, étudiés, scrutés, et auxquels elles ont parfois refusé l’humanité – en témoigne l’esclave sud-africaine Swatche, devenue la « Vénus hottentote », bête de foire exposée en Grande-Bretagne et en France pour son derrière protubérant – parce qu’ils leur semblaient radicalement autres.
Jawaras, Raônis, Indiens aymaras, Bororos, Dogons, Canaques, Iroquois Ces noms – issus de tous les continents, hormis l’Europe – ont un sens, mais on est bien en peine de savoir ce qui, exotisme mis à part, les rassemble. « L’expression dérange », admet l’auteur. Pour preuve, le musée qui faillit s’appeler « des Arts premiers », et dont Catherine Clément est actuellement en charge de l’université populaire, s’est finalement appelé « du Quai Branly ». Une simple indication topographique… pour éluder la polémique ? Dans une écriture volontiers lyrique, qui bouscule parfois, l’auteur énumère les caractéristiques des peuples premiers : leur relation au deuil (pour lequel ils « semblent mieux outillés »), à la nature (« manger un animal familier relèverait du cannibalisme [que les Yanomamis du Brésil] abhorrent »), au temps, etc.
Les fantasmes que l’imaginaire occidental a placés dans l’expression sont démontés : « Un peuple premier non menacé ne serait pas vraiment premier. » « Tous les peuples premiers sont-ils des cannibales ? » Elle démontre que non. Souvent, le désir de réhabiliter, voire la culpabilité, pointent : Clément s’insurge, soutenant que « le monde est en retard sur les peuples premiers ». Elle n’oublie pas d’interroger l’engouement du XXIe siècle pour ces peuples, dont le musée du Quai Branly est la vitrine. « Dans un monde qui se décompose et se recompose rapidement sous nos yeux, l’attrait des valeurs premières produit une offre rassurante. » Et pour ceux qu’ils veulent aller plus loin – pour « approfondir la question » plus que pour la résoudre -, un important corpus bibliographique les aidera à prolonger cette entrée en matière.

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