Photographie : « Filets obscurs », zoom sur la pêche illégale au large de l’Afrique
À Paris, l’exposition « Filets obscurs », consacrée aux clichés du Français Pierre Gleizes, revient sur la campagne du navire Esperanza, déployé par Greenpeace au large des côtes africaines en 2017. Des images fortes, qui témoignent d’une situation dramatique pour les océans comme pour les hommes qui en dépendent.
Toujours prêt à enfiler sa combinaison pour monter dans un hélicoptère ou son gilet de sauvetage pour sauter dans un Zodiac, Pierre Gleizes est l’un de ces photojournalistes qui ont mis leur travail au service d’une cause. En l’occurence, celle de l’environnement : né en 1956, il a rejoint l’association Greenpeace en 1980 et en a créé la photothèque internationale.
Reporter chez Associated Press (1984-1990), puis chez EIA (Environmental investigation agency, 1991-1998), il est resté au long des années un compagnon de route de Greenpeace dont il a partagé de nombreux combats – et en a tiré un livre de mémoires haletant : Rainbow Warrior Mon amour (Glénat, 2011).
« Pillage des ressources »
L’exposition « Filets obscurs » qui lui est consacré par la galerie Fait & Cause et le site Sophot (Paris, jusqu’au 26 octobre) revient sur les neuf semaines de reportage passées par le photographe à bord de l’Esperanza, à l’occasion de la campagne « Espoir » de Greenpeace en Afrique de l’Ouest.
Un périple qui l’a conduit du Cap-Vert à la Guinée, en passant par la Sierra Leone, la Mauritanie, le Sénégal et la Guinée-Bissau. « Les pays précités ne disposant pas des moyens nécessaires, les espaces marins que nous avons sillonnés sont rarement surveillés, écrit Gleizes. Pour ce faire, Greenpeace a mis à la disposition d’une dizaine d’inspecteurs des pêches mandatés par leur gouvernement un dispositif logistique pour leur permettre de contrôler les navires présents dans les zones économiques exclusives qui s’étendent sur 320 kilomètres au large des côtes des États souverains. » En d’autres termes, Greenpeace a donné à des pays qui n’en ont pas les moyens la possibilité de faire la police dans leurs eaux.
Pierre Gleizes a ainsi pu participer, appareil photo en main, à 21 patrouilles aériennes et à 37 inspections à bord de différents chalutiers aux pratiques souvent douteuses. « Onze bâtiments ont été arraisonnés en flagrant délit d’infractions graves et renvoyés au port, soit 30 % de contrevenants, un taux alarmant qui confirme les suspicions de pillage des ressources. »
Forçats de la mer
Mailles de filet non réglementaires, massacres des « prises accessoires » non commercialisables, tueries de requins pour leurs ailerons : les photos de Pierre Gleizes témoignent de la manière dont les mers son impunément pillées en Afrique par des bateaux venus d’ailleurs, notamment d’Asie, de Russie et d’Europe.
Mais le photographe, qui vit aujourd’hui en nomade sur sa péniche baptisée Nicéphore, excelle surtout quand il s’agit de saisir des situations humaines complexes, des regards inquiets, des moments qui disent aussi la détresse de ces forçats de la mer qui, dans des conditions extrêmes, mettent leur vie en danger pour massacrer les océans au bénéfice d’hommes en costume-cravate bien à l’abris dans leur bureau climatisé.
Rien de plus parlant, peut-être, que cette photo prise lors de l’arrestation du chalutier chinois Fe Hai 2222, détourné vers Freetown après un contrôle en haute mer au cours duquel du matériel non conforme a été découvert.
Commentaire de Pierre Gleizes : « Les marins africains n’ont pas l’autorisation de pénétrer dans la timonerie et doivent se contenter d’observer les officiers chinois et les inspecteurs des pêches par la fenêtre ».
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