Ce que 2007 nous mijote

Relations internationales, économie, élections Comme chaque année, le Financial Times s’est livré au petit jeu des pronostics. Florilège.

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 9 minutes.

L’Angleterre n’a pas gagné la Coupe du monde de football et les troupes américaines n’ont pas commencé à évacuer l’Irak, comme le Financial Times l’avait envisagé dans ses prévisions 2006. Le quotidien britannique avait cependant vu juste sur bien des points. Il s’est risqué de nouveau, pour 2007, à ce « jeu de roulette ». Voici douze analyses politico-économiques, concises mais précises, proposées par ses spécialistes.

L’Otan peut-elle sauver l’Afghanistan ?

la suite après cette publicité

Oui. Mais seulement si ses membres prennent en compte les risques d’échec. Les 32 000 soldats de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) sont confrontés à une insurrection de talibans financés par le trafic de la drogue et disposant d’un refuge juste de l’autre côté de la frontière, dans les zones tribales du Pakistan. La partie n’est pas facile. L’alliance risque d’être prise au piège pendant cinq à dix ans et d’y laisser des plumes. Mais le jeu en vaut la chandelle, et 2007 pourrait être une année décisive. Si les pays de l’Otan envoient davantage de troupes avec des conditions d’engagement plus fermes, les résultats pourraient suivre. Mais pour arriver à ses fins, la communauté internationale devra accroître son niveau d’aide par personne et adopter une stratégie claire qui convainque les pays voisins tels que le Pakistan.
Daniel Dombey

Les États-Unis attaqueront-ils l’Iran ?

Non. La débâcle irakienne et le coup qu’a pris l’armée américaine sont devenus si évidents, même pour une Maison Blanche qui ne veut rien savoir, que les risques d’une opération militaire des États-Unis en Iran se sont réduits. Les ambitions nucléaires de l’Iran inspirent aux grandes puissances une inquiétude qu’elles ne partageaient pas devant la prétendue menace de l’Irak, mais il y a une crainte largement répandue qu’une agression contre l’Iran ne plonge la région dans le chaos. Cela ne signifie pas qu’une attaque n’est pas possible : les faucons de l’entourage du vice-président Dick Cheney et de l’US Air Force sont assurément convaincus qu’elle l’est. Le risque est également grand qu’Israël ne s’en prenne à l’Iran dans les dix-huit mois à venir. Auquel cas les États-Unis ne pourraient que suivre.
David Gardner

L’Afrique deviendra-t-elle une « province » chinoise ?

la suite après cette publicité

À certains égards, c’est déjà le cas. Si les Chinois tiennent toutes les promesses qu’ils ont faites à l’Afrique l’an dernier, ils construiront davantage de routes, de voies de chemin de fer et de centrales que l’aide occidentale ou les investissements privés. Principalement du fait des besoins de la Chine en matières premières, les échanges commerciaux de l’Afrique avec l’Asie sont en voie de dépasser ceux qu’elle a avec l’Europe ou avec les États-Unis. Les donateurs s’inquiètent de l’absence de conditions mises par la Chine. Ils craignent que cela ne nuise aux efforts déployés pour favoriser la gouvernance démocratique. L’autre avantage dont dispose la Chine est une coordination parfaitement maîtrisée entre ses intérêts politiques et commerciaux. On ne peut blâmer les gouvernements africains de commercer avec la Chine si cette dernière peut tenir ses promesses. C’est faire passer le développement avant la gouvernance. Mais, diront les Africains, c’est mieux que rien.
David White

… Et Cuba une « province » de la Floride ?

la suite après cette publicité

Sûrement pas. Gravement malade depuis l’été dernier, Fidel Castro ne passera peut-être pas l’année. Mais les institutions cubaines sont assez solides pour survivre à son départ. Depuis qu’il a transmis provisoirement le pouvoir à son frère Raúl et à quelques vieux dirigeants communistes, il n’y a eu aucun signe d’instabilité politique. Quoi qu’on puisse leur reprocher, le parti, l’armée et les autres organes dirigeants sont suivis par un nombre important de Cubains. La situation économique s’est améliorée, notamment grâce aux contacts avec l’heureux producteur de pétrole qu’est le Venezuela et avec la Chine.
Washington part de l’hypothèse que le retrait de Fidel Castro créera une vacance de pouvoir. C’est prendre ses désirs pour des réalités. Une relance des réformes des années 1990 favorables à l’économie de marché est tout à fait probable. Mais elle n’aura rien de… révolutionnaire.
Richard Lapper

Barack Obama sera-t-il candidat ?à la Maison Blanche ?

Au début de l’année, dès le mois de février, Barack Hussein Obama annoncera sa candidature à la Maison Blanche et deviendra le principal cauchemar de Hillary Clinton. À la fin de 2007, le sénateur africain-américain de l’Illinois – il en est à son premier mandat – sera le seul challengeur sérieux de l’ex-First Lady aux primaires démocrates du début de 2008. En 2007, celui que certains considèrent comme le candidat de centre gauche le plus charismatique depuis l’assassinat de Bobby Kennedy en 1968 passera son premier véritable test. Que ce soit sur l’Irak, l’assistance médicale, les problèmes énergétiques ou le libre-échange, il devra introduire dans ses envolées lyriques, mais parfois un peu confuses, des réponses précises et convaincantes. S’il y arrive, tout ira pour le mieux pour lui, et moins bien pour Hillary Clinton.
Edward Luce

Ségo battra-t-elle Sarko ?

Prédire le résultat de l’élection présidentielle française quatre mois à l’avance, c’est courir le risque du ridicule. Les favoris font des faux pas, les deux dernières semaines de campagne sont décisives et la prolifération de candidats est telle que la seule certitude est l’imprévisibilité. Cependant, s’il faut absolument faire un choix, l’auteur de ces lignes opterait pour Nicolas Sarkozy. À coup sûr, Ségolène Royal, l’élue de l’opposition socialiste, doit être considérée comme la favorite après son écrasante victoire aux primaires de son parti. Elle a le vent en poupe et propose à un électorat désabusé un peu de piquant et d’excitation. Mais Sarkozy est un politicien dans l’âme, un formidable débatteur que rien ne décourage. Il a déjà su amender son discours pour relever le défi Ségo.
John Thornhill

Déblocage des négociations commerciales de Doha ?

Non. Trop d’appréhension et pas assez d’envie. Les incitations à un accord n’ont pas matériellement changé depuis que les négociations ont été suspendues, l’été dernier. Aujourd’hui comme alors, il n’y a pas un seul gouvernement qui puisse se permettre de les reprendre. Pour que les États-Unis ou l’Union européenne mettent fin à l’impasse agricole, il faudrait que l’un des deux ou que les deux ne tiennent pas les promesses explicites qu’ils ont faites à leurs agriculteurs de préserver le système de protection ou de trouver de nouveaux marchés extérieurs. Bien que l’on exagère parfois le protectionnisme des démocrates du Congrès, ils ne prendront pas le risque de trahir leurs farmers pour offrir une victoire à l’administration Bush.
Parmi les grands marchés émergents, l’Inde avec ses millions de petits exploitants n’a manifestement aucune envie d’un accord. Le Brésil freine les exportations de son agrobusiness hyperefficace par solidarité avec les autres pays en développement. La Chine reste sagement sur la réserve. L’Afrique, comme toujours, n’a pas grand-chose à gagner.
Alan Beattie

Le dollar va-t-il s’effondrer ?

Non. Les monnaies défient les instruments des prévisionnistes, mais le dollar va résister encore un an aux forces mondiales. Il y aurait de bonnes raisons pour un effondrement. Le déficit commercial américain battra un nouveau record en 2006. On s’attend à ce que la différence des taux d’intérêt entre les États-Unis et les autres économies se réduise en 2007. L’économie américaine semble vulnérable et les banques centrales voient d’un très mauvais il la perspective de continuer à prêter de l’argent à l’Amérique et de risquer de lourdes pertes. Mais la Chine n’est pas prête à cesser d’acheter des centaines de milliards de dollars. Tant qu’elle maintiendra un taux de change artificiel, le dollar tiendra bon. C’est insoutenable à la longue, mais c’est parfaitement possible en 2007.
Chris Giles

Les Bourses vont-elles chuter ?

Oui, dans une certaine mesure. Se retrouveront-elles beaucoup plus bas à la fin de l’année ? C’est une autre question. D’énormes liquidités disponibles dans le monde ont fait s’envoler les obligations, les matières premières et l’immobilier. Les actions sont un peu à la traîne, mais les cotations sont encore élevées. Une croissance économique convenable et la poursuite des fusions et des acquisitions devraient jouer dans le bon sens. Mais quatre années de hausse, c’est long, l’augmentation des profits devrait ralentir et le cycle du crédit s’inverser. On se fait des illusions sur l’atterrissage en douceur de l’économie américaine, sur la faiblesse de l’inflation et du risque géopolitique. De fortes pertes sont plus probables que des gains importants.
Christophe Brown-Humes

Le baril descendra-t-il ?à moins de 50 dollars ?

Il est peu probable que cela se produise de façon durable en 2007. Bien que l’on attende de nouvelles productions, les retards dus à la pénurie de main-d’uvre, d’acier et de derricks réduiront la quantité mise sur le marché. Même sans cela, les tempêtes et les accidents, le terrorisme et l’instabilité politique, les guerres (ou la menace de guerre) et les gouvernements hostiles réaffirmant leur pouvoir sur leurs gisements conspireront aussi à soutenir les cours. Et il y a toujours l’Organisation des pays exportateurs de pétrole – l’Opep. À la fin de l’année 2006, le cartel du pétrole a montré qu’il avait la volonté et les moyens de maintenir les cours au-dessus de 60 dollars le baril.
La grande question concerne la demande. Les économies américaine et chinoise garderont-elles leur taux de croissance et continueront-elles d’alimenter cette demande qui a fait exploser les cours ? Si ce n’est pas le cas, les paris sont ouverts et les prévisionnistes joueront à qui perd gagne.
Carola Hoyos

Les pétrodollars deviendront-ils des pétroeuros ?

L’Iran ne demande que ça. Mais il ne faut pas s’attendre à ce que les autres États du Golfe suivent son exemple et décrètent que toutes les transactions, et particulièrement les ventes de brut traditionnellement libellées en dollars, doivent être payées en euros. Économiquement, cela n’aurait guère de sens (la plupart des monnaies du Golfe sont indexées sur le dollar) et politiquement encore moins (les pays du Golfe sont terrifiés par l’Iran). Cependant, il peut y avoir une plus grande diversification des monnaies selon l’évolution des importations. Les Émirats ont indiqué qu’ils pourraient diminuer de moitié leurs transactions en dollars, et le Qatar a déjà réduit les siennes.
Mais les gros fonds d’investissements officiels, qui gèrent la grande masse de l’argent du pétrole, semblent moins tentés par les investissements basés aux États-Unis et cherchent des points de chute en Europe et en Asie. Mais comme l’a indiqué le Fonds monétaire international (FMI), le changement du lieu de l’investissement ne signifie pas nécessairement qu’on se détourne d’actifs libellés en dollars.
Roula Khalaf

Boeing a-t-il battu Airbus ?

Non. Mais on peut être pardonné si on le pense. La fabrication de gros avions est un duopole mondial. Quand l’un gagne, l’autre perd. L’industrie a aussi un très long cycle de vie. Celui qui fait un faux pas met des années à retrouver son équilibre. Boeing a le vent en poupe après avoir été sur la défensive. Airbus l’a devancé au nombre de nouvelles commandes enregistrées six années sur sept depuis 1999. Boeing a finalement repris le dessus en 2006. Airbus a également livré plus d’appareils que Boeing depuis 2003. Il en sera de même en 2006, et Airbus fera probablement plus de livraisons en 2007 grâce à l’arriéré de commandes.
Mais Boeing a pris l’initiative avec la mise au point de nouveaux appareils, tout particulièrement du Dreamliner 787, long-courrier de capacité moyenne, qui doit entrer en service en 2008. Boeing a reçu plus de 480 commandes fermes pour le 787, devançant Airbus dans un secteur clé du marché. Boeing a mené une contre-attaque juste au moment où Airbus connaissait une série de contretemps, dont plusieurs relevaient de sa responsabilité directe. Son produit vedette, le superjumbo A380, a pris au moins deux ans de retard pour la production en série. Son A350, qui a obtenu son autorisation de mise en service en concurrence avec le 787 Dreamliner, aura au moins cinq ans de retard. La prochaine bataille aura lieu dans le secteur clé des avions à un couloir, les single aisle jets, piliers de la flotte mondiale. Aucun des deux géants ne peut se permettre de perdre la partie.
Kevin Done

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires