Ben Ali, les djihadistes et la présidentielle

Après le démantèlement d’une cellule salafiste, le 3 janvier, on s’attend à une initiative politique des autorités : repli sécuritaire ou relance de la démocratisation ?

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

A le voir sur les écrans de télévision s’entretenant avec les membres de son gouvernement ou visitant un centre d’enseignement pour adultes, le président Zine el-Abidine Ben Ali donne l’impression d’être en grande forme. Pourtant, il ne s’est pas ménagé ces derniers temps. Entre le 23 décembre et le 3 janvier, c’est lui qui a personnellement supervisé le démantèlement d’une cellule de vingt-sept salafistes-djihadistes, à Soliman, dans la banlieue sud de Tunis (voir J.A. n° 2401).
Ancien patron des services de sécurité, il était, il est vrai, dans son élément. Tout au long de ces onze jours d’affrontement, il a fait preuve d’un exceptionnel sang-froid. Le groupe djihadiste dirigé par un certain Lassaad Sassi, au passé quelque peu mafieux, avait, en liaison avec le GSPC algérien, franchi la frontière dans l’intention de commettre des attentats contre une série de cibles incluant, semble-t-il, les ambassades des États-Unis et du Royaume-Uni.
À l’heure où ces lignes sont écrites, Ben Ali ne s’était toujours pas exprimé publiquement sur cette affaire. Mais moins de quarante-huit heures après la fin de la traque des terroristes, il s’en est entretenu pendant une heure avec Mohamed Bouchiha, le secrétaire général du Parti de l’unité populaire (PUP), un mouvement d’opposition modéré. « Le président, confie celui-ci, s’est félicité que le groupe ait été empêché d’atteindre ses objectifs criminels. Et il a appelé à la vigilance. »
Reste à savoir quelles seront les conséquences politiques de cet épisode. Les autorités vont-elles se contenter de lancer un appel au rassemblement contre la violence terroriste, comme ce fut le cas en 1990 après la découverte d’un « complot » du mouvement intégriste d’Ennahdha ? Ou profiteront-elles de l’occasion pour accélérer le processus démocratique, afin de combler le vide dont profite l’extrémisme ? Bouchiha penche pour la seconde hypothèse. « J’ai senti chez le chef de l’État une volonté d’approfondir les réformes politiques, de favoriser la participation de tous à la gestion de la chose publique. Le fait qu’il m’en ait parlé en ces circonstances prouve bien qu’il s’agit d’un choix stratégique. » Apparemment, des consultations vont être engagées. « Les acteurs politiques vont faire des propositions concrètes, explique Bouchiha. Dans quelques mois, il y aura une discussion franche avec le président. Des décisions seront prises rapidement, mais sans précipitation. »
Parallèlement, les autorités semblent résolues à améliorer l’encadrement de la jeunesse. « Le président, dit encore Bouchiha, a invité tous les partis à jouer leur rôle auprès des jeunes, de manière à les protéger contre toutes les formes de déviance et d’extrémisme. » Une semaine plus tard, Hamed Karoui, le vice-président du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti au pouvoir, a annoncé devant plusieurs centaines de cadres la réunion imminente du comité central. Celui-ci sera appelé à prendre « des décisions ». Il n’a pas précisé lesquelles, mais tout le monde a compris qu’il s’agit de renforcer la présence du parti auprès des jeunes. Mais aussi, et surtout, d’officialiser l’appel lancé au président Ben Ali pour qu’il brigue un nouveau mandat en 2009. Une manière d’envoyer un double message, à l’intérieur comme à l’extérieur : non, la stabilité politique du pays n’est pas menacée ; oui, Ben Ali restera à la barre jusqu’en 2014. Au moins.

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