Banalisation de l’agression

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, le droit international s’est lentement, mais fermement, dirigé vers l’interdiction totale du recours à la force dans les rapports interétatiques. Cette progression a connu sa consécration dans la Charte des Nations unies (article 2 § 7) qui prohibe non seulement l’utilisation de la force, mais aussi la menace de recourir à la force. Pour que cette prohibition soit effective, la Charte a chargé le Conseil de sécurité de veiller au maintien de la paix et de la sécurité internationales et l’a doté d’un pouvoir coercitif important et inédit « en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression » (chapitre VII).
Définie par la résolution 3314 (XXIX) adoptée le 14 décembre 1974 par l’AG de l’ONU, l’agression inclut notamment « le bombardement, par les forces armées d’un État, du territoire d’un autre État, ou l’emploi de toutes armes par un État contre le territoire d’un autre État ».
Or, depuis que le président Bush (père) a annoncé, en 1991, au lendemain de la première guerre contre l’Irak, l’avènement d’un nouvel ordre mondial fondé sur la suprématie du droit, c’est l’inverse qui s’est réalisé. La force du droit a cédé la place au droit de la force. C’est le défunt ordre mondial, celui de la canonnière, qui s’est réinstallé. Désormais, l’agression dirigée par un État contre la souveraineté d’un autre État est redevenue un moyen normal de mise en uvre de la politique internationale, une chose banale. Elle ne soulève plus ni condamnations, ni manifestations, ni indignations, aussi bien au sein des instances internationales (ONU et autres organisations), que parmi les composantes de la société civile internationale (ONG, partis, syndicats, intellectuels, etc.). L’agression, même lorsqu’elle est le fait de membres permanents du Conseil de sécurité, est devenue un simple fait-divers, à peine signalé par les dépêches des agences de presse. Voir Bagdad ou des villes afghanes bombardées, ou les villes palestiniennes pilonnées, ou encore certains États proférer des menaces de recourir à la force armée, voire même à l’arme nucléaire, contre l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Iran font désormais partie de la routine. Ils passent inaperçus et ne rencontrent plus que passivité et nonchalance.
La dernière agression, sous forme de raids aériens dirigés le 8 janvier 2007 par les États-Unis contre des positions supposées d’al-Qaïda en Somalie*, s’intègre dans ce cadre général. Peu de condamnations ou de protestations ont été élevées. Ni le Conseil de sécurité, ni l’Union africaine, ni la Ligue arabe n’ont réagi. Pourtant, à voir le nombre des résolutions consacrées à la Somalie par le CS depuis 1992 à ce jour (résolutions 733 [1992] du 23 janvier 1992, 1356 [2001] du 19 juin 2001 et 1425 [2002] du 22 janvier 2002), on ne peut que rester perplexe. Pourtant, la plupart d’entre elles réaffirment l’attachement du Conseil de sécurité « à la souveraineté, à l’intégrité territoriale, à l’indépendance politique et à l’unité de la Somalie ». Peut être que les raids américains constituent une forme d’expression de cet attachement à la souveraineté de la Somalie !

* Le 9 décembre 1992, les États-Unis avaient lancé en Somalie l’opération « Restore Hope » pour venir au secours des victimes de la guerre civile dans ce pays. Cette opération s’est soldée par un cuisant échec pour les États-Unis.

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