Ahmed Baha Eddine Attia

Producteur de films tunisien

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

A la fois joueur et sincère, accommodant et rebelle, ce grand de la production cinématographique tunisienne l’a bien compris : « Dans un pays du Tiers Monde, le créateur doit jouer un jeu dangereux : obéir, respecter tous les protocoles exigés par le pouvoir et, en même temps, n’en faire qu’à sa tête. » On s’étonnera qu’il sache faire allégeance sans jamais se défaire de son tempérament frondeur. Grande gueule, Attia ? Oui. Il l’avoue lui-même : « Je dois avoir l’âme d’un homme qui soigne un surmoi très développé. » Hâbleur, Ahmed ? Sans doute. Mais charmeur comme pas deux et excessivement fidèle à ses amis. S’il compte de nombreux détracteurs parmi ses compatriotes – nul n’est prophète en son pays -, il jouit d’une belle réputation à l’extérieur, et ce grâce à son infatigable manie de défendre le septième art tunisien, de vanter les images du Maghreb sur toutes les tribunes méditerranéennes, de soutenir le film africain auprès des instances du Nord.
Le cinéma, il l’a découvert en 1953, à l’âge de 9 ans. Un art que sa mère a toujours honte de nommer. « À la question que fait ton fils ? , ma mère répond : il travaille à la télévision, pensant qu’il vaut mieux me faire passer pour un fonctionnaire dans une institution publique, plutôt que de dire que je fais du cinéma, c’est-à-dire quelque chose d’assimilable à la danse du ventre. » Après avoir été, comme il se définit lui-même, « un technicien pressé » et « un mercenaire du cinéma mondial », il crée en 1983 sa propre maison de production Cinétéléfilm : « C’était ma vocation. J’avais du plaisir à organiser un tournage, résoudre et contourner les difficultés des films des autres. »
Pour autant, le métier n’est pas une sinécure. Être producteur en Tunisie est une gageure, car il faut s’assurer un public et des salles de projection, s’accommoder d’une billetterie incontrôlable, fournir des garanties pour obtenir des petits prêts, etc. Parmi les films qu’il a produits : ceux réalisés par Nouri Bouzid, Férid Boughedir, Moncef Dhouib, Moufida Tlatli, Frédéric Mitterrand, Flora Gomez ou Mehdi Charef. Presque tous sont des succès commerciaux et font date dans l’histoire du cinéma méditerranéen. Le secret d’Attia : il a de l’intuition dans le choix des scénarios. Plus, il n’a jamais reculé devant les tabous que ces films évoquaient : l’érotisme, l’inceste ou la situation des juifs tunisiens.
En 2000, il crée Tunis Animation Studio, dans le cadre du projet Euromed, un atelier géant de dessin animé sur l’histoire musulmane. On lui reproche alors d’avoir bénéficié seul de la Convention du Conseil de l’Europe pour le projet. Il répond que ce n’est pas sa faute s’il n’y a pas de « rivaux valables », qu’il faut avoir sa puissance de travail et son talent de persuasion pour rafler des marchés juteux. « Une chose est sûre, déclare son compatriote Youssef Seddik, Ahmed Attia reste un grand professionnel de la production et, surtout, le meilleur avocat des cinémas du Sud. »

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