Que peut faire Gaombalet ?

Publié le 19 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Célestin Gaombalet n’est pas une célébrité. Tout juste peut-on retracer le plan de carrière de ce banquier sexagénaire, originaire de la région de Bambari, dans le centre-est du pays. À l’instar d’Abel Goumba, auquel il a succédé le 12 décembre à la tête du gouvernement, le nouveau Premier ministre est un fils de la Ouaka. Mais c’est l’un de leurs seuls points communs. Car, contrairement à son bouillonnant prédécesseur, Gaombalet est un technocrate plutôt lisse.

Totalement inconnu sur la scène politique centrafricaine, il n’a jamais été ministre, ni même député. En fait, le nouveau chef du gouvernement a passé une bonne partie de sa vie active à l’extérieur du pays. Après avoir fait ses classes dans la fonction publique, il est affecté dans les années 1970 à l’Union douanière des États d’Afrique centrale, ancêtre de l’actuelle CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale). Devenu directeur général de l’Union bancaire en Afrique centrale (UBAC), principal établissement financier de Bangui avant sa privatisation, il est limogé de son poste par le général André Kolingba peu après l’accession de celui-ci à la tête de l’État, en 1981. Le président de la République lui trouve cependant une autre affectation, au siège de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC), à Brazzaville. De retour au pays au début des années 1990, il dirige la Banque populaire maroco-centrafricaine (BPMC), avant de faire valoir ses droits à la retraite.
François Bozizé l’en a tiré en raison, entre autres, de son expérience de gestionnaire, censée séduire les bailleurs de fonds internationaux, notamment l’Union européenne et les institutions de Bretton Woods. Mais compte tenu de la délicate transition que connaît le pays depuis le changement de régime survenu le 15 mars dernier, certains s’interrogent sur la marge de manoeuvre du chef du gouvernement. Il est vrai qu’elle paraît plutôt étroite. Gaombalet va d’abord devoir gagner la confiance des différents partis politiques associés au gouvernement d’union nationale, des partenaires extérieurs et de la population centrafricaine dans un laps de temps particulièrement court : sa mission ne se prolongera certainement pas au-delà de la période de transition, celle-ci devant s’achever au premier trimestre 2005, date à laquelle des élections locales, législatives et présidentielle doivent être organisées.

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La composition de son équipe incite également à la prudence. Dépourvu de réseaux, placé à la tête d’un gouvernement pour le moins hétérogène, Gaombalet pourra-t-il imposer son autorité aux personnalités disparates qui le composent ? D’autant que nombre d’entre eux ont pris l’habitude de travailler directement avec François Bozizé. En outre, certains des ministres choisis l’ont été au nom de la sacro-sainte « unité nationale ». Ainsi, le lieutenant-colonel Guy Kolingba, fils de l’ancien président, hérite du portefeuille de la Jeunesse, des Sports, des Arts et de la Culture, alors que Bruno Dacko, lui aussi fils d’un ex-chef d’État, est reconduit au ministère du Tourisme et de l’Artisanat. Représentants d’une région, d’une ethnie ou d’un parti politique, tous les nouveaux promus disposent-ils des compétences requises pour remplir la mission qui leur est assignée ?
Difficile d’évaluer les chances de réussite du nouveau Premier ministre et de son équipe de technocrates. Pour faire face aux multiples tensions de trésorerie que connaît le pays, Gaombalet sera notamment épaulé par Jean-Pierre Lebouder, fonctionnaire à la Banque mondiale, nommé numéro deux du gouvernement chargé du portefeuille de l’Économie et des Finances, et par l’économiste Daniel N’ditiféï-Boysémbé, ministre délégué au Plan et à la Coopération internationale. Leur objectif prioritaire sera d’obtenir de l’Union européenne la reprise de sa coopération. Depuis le mois de juin, Bangui négocie avec Bruxelles un accord portant sur une subvention de 70 milliards F CFA (un peu plus de 1 million d’euros).

Le Premier ministre va donc devoir définir très rapidement un calendrier électoral précis et convaincre les partenaires de sa bonne volonté. Dans le même temps, il aura la tâche délicate de boucler les fins de mois avec les moyens du bord. Déjà, le gouvernement d’Abel Goumba éprouvait bien des difficultés à réunir les quelque 2,5 milliards de F CFA (3,8 millions d’euros) mensuels nécessaires pour payer ses 19 000 fonctionnaires, pour un budget global de fonctionnement estimé à plus de 4 milliards de F CFA. Pour l’heure, les recettes propres du pays atteignent péniblement 2 milliards par mois. Autant dire que la mission qui est confiée au nouveau Premier ministre n’a rien d’une sinécure.

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