Quand Clinton tendait La main à Saddam

Indignation dans le monde arabe : un vrai dictateur est censé finir en héros !

Publié le 19 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Saman Abdul Majid a été pendant quinze ans l’interprète personnel de Saddam Hussein. Il a assisté à une centaine de rencontres, officielles ou non, avec des hommes politiques, des journalistes ou des diplomates. Resté au service du raïs jusqu’à la chute de Bagdad, il livre un témoignage inédit sur les coulisses du régime. Dans son livre Les Années Saddam (éditions Fayard), il décrit un personnage à la personnalité complexe. Un tyran arabe à la poigne de fer, colérique et redouté par son peuple, mais aussi un homme courtois, attentionné, presque affable. L’extrait ci-dessous relate sa rencontre, restée secrète à ce jour, avec un émissaire de Bill Clinton, en 1993. Et si Saddam avait accepté la main tendue par l’ancien président américain ?

« Au cours de sa première année de mandat, le nouveau locataire de la Maison Blanche décida de reprendre contact avec Saddam et envoya discrètement à Bagdad, via Tarek Aziz, un révérend de ses amis. Avant la rencontre, l’homme m’avait montré des photos où il apparaissait en compagnie de Bill Clinton. Ne cachant pas le but de sa visite, il m’avait apporté une sorte de certificat signé de la main du président américain.
– Je viens porter les salutations du président Clinton au président Saddam Hussein. […]
Pendant l’entretien, l’Américain expliqua en substance que Clinton était prêt à ouvrir un nouveau chapitre des relations américano-irakiennes et à repartir sur un pied d’amitié et sur de nouvelles bases. Selon lui, toutes les éventualités étaient envisageables. Il ne fit toutefois aucune proposition concrète, n’évoqua pas la levée des sanctions des Nations unies, ni aucun calendrier. Il venait poser les premiers jalons d’un dialogue et lui tendre la main de Bill Clinton. Il raconta les luttes clandestines du parti Baas dans les années 1960 et sa rencontre avec Tarek Aziz. Il ne chercha à aucun moment à saisir la balle au bond, ni à répondre à Clinton.
En sortant de l’entretien, j’exprimai mes regrets à Ali Abdallah. Saddam venait de passer à côté d’une fameuse occasion. Pourquoi s’était-il braqué ? Avait-il mal pris le fait que l’émissaire de la Maison Blanche ne fût pas une personnalité officielle ? J’en doute, dans la mesure où Saddam préférait les contacts personnels aux échanges formels. Clinton avait compris cet aspect de sa personnalité. En réalité, Saddam craignait de se « vendre » aux Américains. Se montrer difficile était une question d’honneur. Il n’avait aucun doute sur le fait que, si Clinton était réellement sincère et sérieux, il enverrait d’autres émissaires. Il n’avait pas compris que le chef de la première puissance mondiale, en lui dépêchant un ami personnel, avait déjà accompli un geste fort, presque humiliant. Son rejet de la main tendue témoigne d’une incompréhension fatale du monde extérieur.
Tandis que Saddam s’attendait à recevoir de nouveaux signes américains, Clinton considérait le dossier clos. Pour lui, il n’y avait plus rien à attendre du président irakien. Au milieu des années 1990, il autorisera le financement d’opérations clandestines de renversement du régime, organisées par la CIA et l’opposition irakienne en exil. En 1998, il n’aura aucun scrupule à bombarder le pays. En refusant de se « vendre » quelques années plus tôt, Saddam était définitivement devenu « irrachetable ».

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