Pour l’éducation des Arabes

Publié le 22 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Un clochard. Hirsute, hébété, crasseux. Ouvrant docilement la bouche quand le médecin le lui demande. Courbant la tête pour que ce même médecin puisse examiner son cuir chevelu et y chercher des poux. Promenant une main tremblante sur une barbe qui le fait vaguement ressembler à un Karl Marx de carnaval. C’est la piteuse image qui restera de Saddam Hussein, alors qu’il avait fait imprimer et distribuer de son vivant, allais-je écrire des milliers de photographies et de portraits le montrant dans des postures avantageuses : Saddam le digne descendant de Saladin, Saddam le soldat, le savant, le noble Bédouin, l’ami de la veuve et de l’orphelin, le bâtisseur, le meneur, le protecteur du peuple. Il figurait sur des fresques grandioses, juché sur un cheval blanc, montrant de son épée le chemin de Jérusalem. Comme si une épée pouvait vaincre les F16, les chars de combat, les armes nucléaires
Après le choc des images, les réactions. Oublions les plus imbéciles, les inévitables théories du complot qui fleurissent sur Internet (« ce n’est pas Saddam, c’est un sosie, c’est un acteur, c’est le Mossad, c’est le Père Noël »). La plus remarquable me semble être la suivante : certes, Saddam n’était pas un enfant de chur, mais l’exhiber ainsi, c’est faire affront aux Arabes, c’est bafouer leur dignité. Il ne fallait pas montrer ces images.

Eh bien, non ! Pour l’éducation des Arabes, il est à souhaiter, au contraire, qu’on voie et revoie ces images, qu’elles passent et repassent à la télévision, qu’elles figurent dans les manuels scolaires à venir. Peutêtre les Arabes finiraient-ils alors par comprendre que les vrais héros ne sont pas les brutes qui règnent par la terreur et le meurtre, ni les beaux parleurs qui n’ont jamais rien fait, ni les abonnés aux réélections
à 99 %, ni ceux qui proclament partout la grandeur de leur peuple alors qu’ils sont incapables de lui assurer l’eau potable, ni les flambeurs de casino qui prêchent chez eux la frugalité, ni les fanatiques qui exhibent le manteau du Prophète, mais ne peuvent pas vêtir leurs administrés. Ce ne sont ni des héros ni des surhommes, ces gus qui nous gouvernent : imaginez-les dans le trou à rats de Saddam, n’ayant pas pris de douche depuis des semaines, pouilleux, échevelés
Il faut qu’on voie et revoie ces images. Les Arabes finiraient peut-être par comprendre que le vrai héros, s’il en faut, se fait élire dans de vraies élections, puis travaille dur, respecte et fait respecter la loi, touche un salaire ridicule comparé à celui d’un footballeur, paie ses impôts comme tout un chacun, puis s’en va au bout de quatre ou cinq ans, comme il était venu. Sans avoir ruiné son pays, ni tué personne, ni dressé le monde entier contre lui.
Le vrai héros n’est pas très excitant, certes. Mais entre lui et le clochard de Tikrit, qui choisissez-vous ?

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