Oussama Ben Laden

Saddam hussein capturé, le chef d’el-Qaïda redevient l’homme le plus recherché au monde.

Publié le 19 décembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Arrêté près de Tikrit, le 13 décembre 2003, l’ex-président irakien Saddam Hussein ne volera plus la vedette à Oussama Ben Laden. La guerre que se faisaient les deux chaînes de télévision arabes – Al-Jazira, spécialisée, dans la retransmission des messages du chef d’el-Qaïda, et Al-Arabiya, qui diffusait le moindre enregistrement de l’ancien raïs irakien depuis sa fuite le 9 avril – prend fin, elle aussi. Ben Laden retrouve son statut d’homme le plus traqué de la planète. Il reste, certes, des fugitifs célèbres : l’Égyptien Aymen Zawahri, éminence grise de l’internationale islamiste ; le mollah afghan Mohamed Omar, taliban en chef, lui aussi disparu depuis l’été 2000 ; l’Irakien Ibrahim Izzat Douri, ex-lieutenant de Saddam Hussein et coordonnateur présumé de la résistance irakienne. Mais aucun d’entre eux ne saurait rivaliser avec le milliardaire saoudien.
Natif de Riyad, en 1957, Oussama est l’un des cinquante-deux fils et filles de Mohamed Ben Laden, un Yéménite venu s’installer dans le désert d’Arabie dès la création du royaume par Abdelaziz Ibn Saoud, en 1932. La population, composée de Bédouins plus chasseurs que bâtisseurs, ne se caractérisait pas par son ardeur au travail. Une bénédiction pour Mohamed Ben Laden, qui se lance dans le bâtiment et devient l’un des entrepreneurs les plus en vue. Il construit pour Abdelaziz son premier grand palais de Riyad : El Yamama. Et se convertit au wahhabisme, doctrine religieuse rigoriste. Il le fait avec zèle et conviction. L’éducation qu’il donnera à ses enfants s’en ressentira. Oussama fait un choix paradoxal : au confort matériel que permettait la fortune du père, il privilégie la vie d’ascète que prônait Mohamed Abdelwahhab, fondateur du wahhabisme à la fin du XVIIIe siècle.
Enfant, Oussama avait pour compagnons de jeux la progéniture des Al Saoud. Adolescent, il préfère la compagnie des théologiens, invités permanents dans la maison paternelle. Ses études en économie, avec spécialité en marketing, à l’université de Djeddah, lui permettent de sortir du cocon familial et de s’intéresser à une autre réalité : celle de l’islam dans le reste du monde.
L’invasion de l’Afghanistan, en 1979, par l’armée Rouge lui donne l’occasion de troquer définitivement les habits du jeune diplômé, promis à une belle carrière au sein du groupe Ben Laden, contre les guenilles du djihad permanent. Il organise et finance le départ des volontaires arabes pour la guerre contre le communisme, crée, en 1989, avec l’aide des services saoudiens et la bienveillance de la CIA, el-Qaïda, « la Base », une structure destinée à encadrer les moudjahidine arabes et à leur fournir une « assistance administrative ». En d’autres termes, à les doter de faux papiers leur permettant de voyager.
Le retrait de l’armée Rouge est vite suivi de la désagrégation de l’Empire soviétique. Ben Laden n’a pas le temps de s’en réjouir qu’un événement majeur intervient : l’invasion du Koweït, le 2 août 1990, par les blindés irakiens. Une large coalition militaire composée de vingt-sept pays se forme, et les Al Saoud autorisent l’installation d’une base aérienne américaine à Riyad et une autre à Dharan. Oussama Ben Laden entre en rébellion contre ses anciens bienfaiteurs. Il dénonce la présence d’infidèles sur la Terre sacrée, à proximité de La Mecque et de Médine.
Sa fortune était déjà au service des salafistes, ceux qui prônent le retour à la société mahométane. Ben Laden l’ouvre également aux opposants saoudiens, des islamistes modérés, installés à Londres. Il finance leurs publications et leurs actions de propagande contre les « émirs corrompus ». Excédés, les Al Saoud finissent par le déchoir de sa nationalité. Il n’est pas encore traqué, mais il se sent menacé. Désormais, il erre entre l’Afghanistan, le Soudan et le Yémen. Sa présence est signalée en Somalie en 1993, quand l’armée américaine est obligée de battre en retraite. Officiellement installé à Khartoum, il est contraint, en 1996, par le régime soudanais de quitter le pays et retourne en Afghanistan où ses « amis » talibans sont au pouvoir.
Le mythe Ben Laden naît en février 1998, quand il réunit un conclave ouvert aux grandes figures de l’islamisme pour créer le Front islamique mondial contre les juifs et les croisés. Objectif : combattre les Américains, y compris les civils, précise la fatwa, jusqu’à ce qu’ils quittent la Terre sainte d’Arabie saoudite. Six mois plus tard, les ambassades américaines de Nairobi et de Dar es-Salaam sont victimes d’attentats à la voiture piégée. Cible prioritaire du FBI et de la CIA, sa tête est mise à prix 5 millions de dollars.
Le 11 septembre 2001, une vingtaine de pirates de l’air lancent des avions sur les deux tours du World Trade Center, à New York, et sur le Pentagone. Le coupable est tout trouvé. George W. Bush déclare la guerre à un ennemi invisible, le terrorisme, dont la tête est localisée en Afghanistan, et les ramifications partout dans le monde. Débute l’infructueuse traque la plus médiatisée du siècle naissant. Non seulement le fugitif est insaisissable, mais il fait la nique à tous les limiers de la planète. De simple chef de groupe fondamentaliste radical, Ben Laden devient aux yeux de la jeunesse musulmane l’icône tant attendue. Les conditions de vie qu’il a choisies et ses options djihadistes n’en font pas un modèle, mais un « Che » dont la tête est mise à prix 25 millions de dollars. Rien n’y fait. Ni l’argent ni les satellites ne réussissent à le localiser avec précision.
En 2001, il avait frappé au coeur de l’Amérique « impie ». En 2002, il élargit le combat d’el-Qaïda à la Palestine. En 2003, il décrète l’Irak terre de djihad. En 2004, il fera certainement tout pour empêcher une normalisation en Afghanistan. Tant qu’il n’aura pas connu le sort d’un Saddam Hussein, ou celui d’un Mohamed Atef, chef militaire d’el-Qaïda tué à Kaboul, en novembre 2001, à la suite d’un bombardement américain, Oussama Ben Laden, l’imam occulté, restera celui par qui l’échec électoral peut frapper un Bush conforté par l’arrestation de Saddam Hussein.

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