[Chronique] Maghreb–Sénégal : vers un « couscousgate » ?
Alors que l’Afrique du Nord tente de s’unir derrière l’inscription du couscous au patrimoine mondial de l’Unesco, c’est un plat sénégalais qui vient d’être sacré meilleur couscous du monde à la 22e édition du « Cous Cous Fest ».
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 8 octobre 2019 Lecture : 2 minutes.
« Couscous au poulpe servi sur un lit de mangues » : si les Tunisiens des Îles Kerkennah ne boudent pas l’association des céphalopodes et de la semoule, l’ajout du fruit tropical semble incongru dans la cuisine traditionnelle maghrébine.
La recette primée au Festival international de l’intégration culturelle, fin septembre dans la ville sicilienne de San Vito Lo Capo, n’a pas été concoctée dans des marmites nord-africaines. Il s’agit d’une recette de l’ouest du continent, plus précisément de la Sénégalaise Marème Cissé. Le couscous de cette chef résidant en Italie vient de détrôner la version tunisienne au trophée de meilleur couscous du monde…
Si le meilleur couscous de la planète n’est plus maghrébin, que pensera l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture ? Pour obtenir une chance de voir la spécialité culinaire classée au patrimoine mondial de l’Unesco, les « frères ennemis » de la semoule – l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie – ont dû taire leur rivalité couscoussière et déposer, en mars dernier, une candidature conjointe.
Identité culinaire outrée
La défaite au sprint du « Cous Cous Fest » italien serait-elle un mauvais présage pour le marathon onusien ? Le « ferment de l’unité maghrébine », selon Ghazi Gherairi, ambassadeur et représentant permanent de la Tunisie à l’Unesco, profitera-t-il finalement au pays de la Teranga ?
Il reste aux puristes la carte de l’identité culinaire outrée, via la dénonciation du thiéré victorieux, couscous sérère à base de mil, traditionnellement servi pour la fête musulmane de Tamkharit et qui n’aurait de couscous que le nom.
Faudra-t-il revendiquer une appellation d’origine contrôlée, brandissant le spectre du désordre culinaire mondial ?
Pour l’assortiment maghrébin de semoule, de légumes, d’épices et de viande, faudra-t-il revendiquer une appellation d’origine contrôlée (AOC), brandissant le spectre du désordre culinaire mondial ? Faudra-t-il invoquer les couscoussiers découverts dans des sépultures du IIIe siècle avant Jésus-Christ, époque du roi berbère Massinissa de Numidie ? Faudra-t-il crier haro sur les couscous sénégalais, les tajines japonais, les pizzas tadjiks, les strogonoffs colombiens et les blanquettes suédoises ?
Faut pas fâcher, nous cuisiner…
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