Une histoire de foot !

Success-story fulgurante, l’équipementier sportif français opte pour une stratégie d’ouverture tous azimuts. En ligne de mire : la Coupe du monde 2006.

Publié le 21 novembre 2005 Lecture : 5 minutes.

Malamine Koné est catégorique : « La réussite, c’est le travail. Il n’y a pas d’autre secret. » Grand, l’air sérieux, vêtu d’un jean et de baskets, le PDG-fondateur d’Airness reçoit dans ses élégants bureaux de la rue Bayard, à deux pas des Champs-Élysées, où nombre de boutiques « branchées » exposent ses articles de sport. Des produits qui ont bénéficié d’une autre « vitrine » de choix, puisque l’on a pu voir les marionnettes des Guignols de l’info, une émission phare de Canal+, porter des tee-shirts griffés Airness. Une reconnaissance s’il en est.
Que de chemin parcouru par cet ex-enfant-berger malien arrivé en France à l’âge de 10 ans et élevé dans la cité des Franc-Moisins (en banlieue parisienne). Créé en 1999 avec très peu de moyens, Airness s’est développé à un rythme accéléré pour devenir le premier équipementier tricolore, devant Lacoste, et défier les géants Nike, Adidas et Puma. Chiffre d’affaires global prévu pour 2005 : 100 millions d’euros, soit le double de 2004.
Tout a commencé par une idée aussi ingénieuse que peut l’être un « grand pont » en football pour contourner son adversaire : en étudiant les contrats des joueurs, Malamine a remarqué que ceux-ci n’étaient liés à leur sponsor que sur le terrain. Il les a donc habillés en dehors des stades. Drogba, Wiltord, Cissé, Dugarry, Van Buyten, Diawara, Feidouno, Papin et autres champions ont ainsi assuré à la marque une belle publicité. L’entreprise s’est ensuite appuyée sur une stratégie de sponsoring gagnante en équipant intégralement en vêtements, sacs, chaussures et ballons plusieurs équipes de football. Trois (bientôt quatre) clubs français portent les couleurs Airness : le FC Nantes, le Stade rennais et le Valenciennes FC. Les sélections nationales africaines ne sont pas en reste : la Guinée, la RD Congo et bien sûr le Mali. L’Égypte, où se déroulera la prochaine Coupe d’Afrique des nations (20 janvier-10 février 2006) et avec qui les négociations sont plus qu’avancées, ne devrait pas tarder à arborer à son tour le célèbre logo à la panthère. En parallèle, Airness s’ouvre à d’autres disciplines sportives. « Ouverture », tout est dit ! « Il n’est pas question de sortir du foot, mais de s’élargir à d’autres sports, tels que le basket, l’athlétisme ou le rugby », précise Malamine.
S’ouvrir à l’international aussi : né dans le département du « 9-3 », ou « neuf cube », Airness en est vite sorti et touche désormais un large public. Si la marque n’est plus estampillée « banlieue », son créateur tient à garder le contact avec les cités, où, dit-il, « la mode est audacieuse. Ce sont les jeunes qui la créent et qui portent les nouvelles tendances. Ça permet d’avoir toujours un train d’avance sur les grandes marques. » Les produits sont distribués à travers un réseau de plus de 2 000 points de ventes en France et à l’étranger, dont Citadium ou Intersport.
Depuis début 2005, l’entreprise renforce sa présence en Europe (Suisse, Portugal, Espagne, Royaume-Uni et Benelux). Et comme le Vieux Continent est devenu trop exigu, la panthère évoluera aussi en Algérie à partir de début 2006. Le PDG, qui est sur le point de signer avec le premier distributeur local d’articles de sport, n’en revient pas : « Airness est plus connu en Algérie qu’en France ! »
Et le Mali ? Si l’équipementier y habille les Aigles, à la demande personnelle du président de la République Amadou Toumani Touré, ses produits n’y sont pas commercialisés pour autant. « Nous ne pouvons pas nous implanter au Mali parce que le pouvoir d’achat y est trop faible, explique-t-il, une pointe de regret dans la voix. Airness se veut une marque populaire et démocratique, donc accessible au plus grand nombre et non pas à une minorité de privilégiés. » Malamine n’en oublie pas pour autant son pays natal puisqu’il s’implique dans des actions humanitaires (installation de pompes à eau potable, financement de dispensaires ou d’écoles, parrainage d’associations locales).
S’ouvrir à de nouveaux produits, également : Airness, qui exploite la marque en licence et touche 10 % du chiffre d’affaires en royalties, a une stratégie de diversification tous azimuts : après les montres, les lunettes de vue ou solaires et les articles de papeterie, il a lancé, en octobre, un téléphone portable (voir J.A.I. n° 2335, p. 61). Une première mondiale. Ni Nike ni Adidas n’avaient osé, Airness l’a fait avec le modèle Air99 fabriqué par ModeLabs, au nez et à la barbe des géants du secteur comme Motorola, Ericsson ou Nokia. Un développement logique, « en cohérence avec l’ensemble de nos produits et avec le mode de vie de nos consommateurs », explique le jeune patron, qui multiplie les partenariats avec les grands distributeurs. Alain Afflelou, notamment, commercialise les lunettes griffées « panthère » dans ses 700 magasins.
S’ouvrir aux seniors, enfin : la marque préférée des 8-25 ans en quête d’innovation et d’originalité vient de prendre un virage stratégique en décidant de se lancer à la conquête du marché des adultes. Pour cela, elle a choisi Guy Roux comme ambassadeur de prestige. Le doyen du foot français a rejoint la dream team pour porter les pulls, parkas et polos de la future ligne seniors. « Guy Roux a révélé les plus grands joueurs africains et leur a donné leur chance, explique Malamine. Nous voulions lui rendre hommage. »
La marque paie cependant la rançon de son succès puisque, tout comme Vuitton, Chanel ou Lacoste, elle est victime de la contrefaçon. Entre 1 000 et 1 500 pièces contrefaites seraient quotidiennement saisies par les douanes. Face à l’ampleur du phénomène, Malamine reste zen sans pour autant baisser la garde (un bureau ad hoc a été créé).
Les nouvelles ambitions d’Airness sont clairement affichées : « Notre objectif prioritaire aujourd’hui, c’est l’équipe de France. Il est normal qu’elle soit sponsorisée par le leader français de l’équipement en football », argumente Malamine, qui, plutôt que d’en appeler au seul patriotisme, mise d’abord sur la qualité de ses produits, le savoir-faire Airness, qu’il entend bien promouvoir en lançant une campagne de communication à partir de janvier. La publicité véhiculera un message d’encouragement à l’équipe de France pour la Coupe du monde en Allemagne (une ligne bleu-blanc-rouge a été spécialement créée). Le plan média est ficelé au moins jusqu’à juin 2006 : télé, presse et affichage 4×3. Cerise sur le gâteau : le spot TV met en scène Guy Roux et Sylvain Wiltord – peu rassurés pendant le tournage – aux prises avec une vraie panthère noire âgée de 2 ans. Si celle-ci est le symbole de la marque Airness, Wiltord, lui, en est l’une des icônes. Un modèle de chaussure de foot, SYL20, est même dédié à l’international français. Slogan de la campagne : « Ne lâchez rien, mouillez le maillot ! La victoire a un prix. » Un message qui, en ces temps troublés, peut tout aussi bien s’adresser aux jeunes des banlieues, dont Malamine est l’un des modèles.

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