[Chronique] France-Ghana : après Notre-Dame de Paris, Notre-Dame d’Akosombo ?
L’Afrique pourrait à nouveau venir au secours de la cathédrale parisienne ravagée, en avril dernier, par un incendie. Une entreprise ghanéenne propose que la charpente de l’édifice soit reconstituée avec son bois, situé près de la ville d’Akosombo, dans l’est du pays.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 11 octobre 2019 Lecture : 2 minutes.
Certaines sommités ouest-africaines versant plus volontiers une larme sur un drame parisien que sur une tragédie sahélienne, l’Ivoirien Amon N’Douffou V, roi du Sanwi, avait envoyé sa contribution financière à la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Six mois après le sinistre, c’est du Ghana que pourrait venir le bois réparateur de la charpente calcinée ; moins sur le ton du don que du business.
Arbres tropicaux massifs
L’entreprise ghanéenne Kete Krachi Timber Recovery propose au gouvernement français que le chantier parisien utilise une vaste forêt sous-marine pour laquelle elle détient des concessions gouvernementales. Il s’agit d’arbres tropicaux massifs immergés dans le lac Volta depuis 1965, lorsque la construction du barrage Akosombo avait inondé une partie du bassin. L’hypothèse n’est qu’au stade de la suggestion, puisque le ministère français de la Culture affirme ne pas encore savoir si le cadre de la toiture de la cathédrale sera reconstruit en bois. L’improbabilité n’empêche pas les uns et les autres d’exprimer des avis « pour » ou « contre ».
La densité des irokos proposés – 650 kg à 900 kg par mètre cube – serait comparable à celle des chênes partis en fumée. D’ailleurs, la France ne disposerait plus de chênes géants de taille et de maturité suffisante – environ 1 300 arbres abattus au XIIe siècle – pour reconstruire à l’identique la structure originale. C’est l’immersion des arbres ghanéens évoqués qui les aurait préservés de la décomposition, par un début de fossilisation idéale pour leur solidité.
Déséquilibre de l’écosystème
Quant aux réticences à ce projet de construction de la charpente parisienne en bois ouest-africain, elles concernent les risques de déséquilibre de l’écosystème du lac ghanéen et l’empreinte carbone associée à l’extraction et au transport du bois du Ghana vers la France. Les arbres servant d’habitat et de lieux de reproduction à plusieurs espèces sauvages, leur coupe, même partielle, pourrait menacer l’industrie de la pêche du Ghana.
Les groupies du projet rétorquent que la majeure partie du bois concerné est de toute façon exportée vers l’Europe, qu’un pays « pauvre » gagnerait à encaisser 50 millions de dollars dans l’opération et que, d’ailleurs, il s’agit moins d’architecture et de logistique que de contribution universelle à un bâtiment à dimension spirituelle. Alors, business sous couvert de foi ou humanisme sous couvert de commerce ?
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