Nouvelle reculade de Kadhafi

L’ajournement du procès des infirmières bulgares condamnées à mort.

Publié le 21 novembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Mardi 15 novembre. C’est dans une bâtisse de style italien donnant sur le port de Tripoli que s’ouvre l’audience de la Cour suprême libyenne. Celle-ci doit rendre publique sa décision sur la recevabilité ou non de l’appel des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien condamnés à mort en mai 2004 sous l’accusation d’avoir inoculé le virus du sida à 431 enfants dans un hôpital de Benghazi. Le président Ali al-Allout annonce l’ajournement du procès au 31 janvier 2006. Aussitôt, c’est l’effervescence. Plusieurs dizaines de membres des familles des victimes, brandissant des photos de bébés disparus, expriment leur colère. « Je veux que les condamnés soient exécutés, ici et maintenant », lance une femme habillée en noir et mère d’un enfant décédé. La police antiémeutes, en tenue de combat, intervient.
La Cour devait soit confirmer le jugement et donc l’exécution des condamnés, soit rouvrir le dossier. Elle n’a fait ni l’un ni l’autre, et n’a eu besoin que de deux minutes pour annoncer le report de l’audience. L’essentiel s’est passé ailleurs, sous la tente du « Guide » libyen Mouammar Kadhafi et lors des tractations secrètes entre Tripoli, Washington et Bruxelles, siège de l’Union européenne.
Fait sans précédent dans les annales de la justice libyenne, le report a été assorti d’une réouverture des plaidoyers le 31 janvier prochain. Il a été décidé à la demande du gouvernement libyen qui, sous couvert d’un artifice de procédure, a en fait ouvert la voie à l’annulation du premier jugement et l’ouverture d’un nouveau procès. En dehors des familles, on s’y attendait. L’agonie des enfants malades décédés ou qui sont en train de mourir au rythme de six à sept par an ainsi que le cauchemar de leurs familles importent désormais moins que le sort des personnes qui étaient censées les soigner. Washington et l’Union européenne font en effet pression pour que les prisonniers soient libérés, faisant valoir qu’ils ne sont pas directement responsables des infections.
Tout se passe comme si l’on s’acheminait vers cette issue. Pour Kadhafi, c’est le pardon des États-Unis qui compte. Après avoir juré pendant des années qu’il ne transigerait pas sur la souveraineté libyenne, il a fini par livrer en 1999 deux de ses ressortissants pour qu’ils soient jugés par un tribunal écossais dans l’affaire Lockerbie. Puis, fin 2003, il a fourni aux États-Unis la totalité du matériel et des documents relatifs à son programme d’acquisition d’armes de destruction massive.
En 2005, Kadhafi se prépare à une nouvelle reculade. Pour s’en sortir sans heurter de front les familles des victimes et la population libyenne, le « Guide » s’apprête à faire supprimer la peine de mort à la fin de cette année, ce qui lui permet d’éviter l’exécution des cinq Bulgares et du Palestinien. Il devrait ensuite faire annuler la condamnation à mort les frappant, et peut-être même reprendre le procès à partir de zéro. « S’il s’avère que leurs aveux ont été obtenus sous la torture, alors la sentence est nulle, a déclaré Kadhafi à la veille de l’audience de la Cour. Mais cela ne signifiera pas que l’affaire est terminée… »

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