Le coup d’État de Saye Zerbo en Haute-Volta

Publié le 21 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

L’histoire n’a jamais dû sembler aussi ironique qu’en cette matinée du 25 novembre 1980 à Aboubacar Sangoulé Lamizana. Quatorze années après avoir déposé Maurice Yaméogo, le premier président de la Haute-Volta indépendante, le 3 janvier 1966, le chef de l’État voltaïque est à son tour renversé par un coup d’État.
Dès l’aube, les hommes du colonel Saye Zerbo, le commandant du régiment interarmes d’appui de Ouagadougou (RIA), ont investi les points névralgiques de la capitale. Réveillés au son de la fanfare militaire, les Ouagalais s’aperçoivent alors très vite que leur pays est coupé du monde : les aéroports internationaux de Ouaga et de Bobo-Dioulasso sont fermés, les télécommunications sont interrompues et le couvre-feu est instauré entre 19 heures et 6 heures du matin.
Mais pas un coup de feu n’est tiré : le putsch se déroule sans effusion de sang. Lamizana se rend sans coup férir et est placé sous surveillance dans la résidence officielle qu’il occupe depuis son arrivée au pouvoir. Les principaux dignitaires de son régime sont également arrêtés : la plupart des ministres, le président de l’Assemblée nationale, le secrétaire général du parti gouvernemental, l’Union démocratique voltaïque-Rassemblement démocratique africain (UDV-RDA) ainsi que le chancelier des ordres nationaux et le chef d’état-major des armées.

C’est sur les ondes de Radio-Ouagadougou que la population fait connaissance avec le nouveau maître de la Haute-Volta, quelques heures après le déclenchement des opérations. Elle découvre alors que cet homme qui lui parle dans le poste, initiateur du cinquième coup d’État sur le continent africain en moins de onze mois, est loin d’être un inconnu : nommé ministre des Affaires étrangères par le président déchu en février 1974, Saye Zerbo avait eu la diplomatie voltaïque entre ses mains pendant deux ans, jusqu’en février 1976.
Dans un communiqué, le chef du Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN), qui vient de se constituer, explique que le renversement du général Lamizana a été rendu nécessaire par la situation politique et économique du pays, « caractérisée par la dégradation du climat social et de tous les secteurs de la vie nationale ». Il promet par ailleurs de mettre fin à la corruption et de redresser l’économie.
L’initiative est plutôt bien accueillie par les Voltaïques. Les chefs coutumiers « estiment que l’événement constitue une chance inespérée pour le pays et pour le peuple, dont les divisions antagonistes de toutes sortes […] compromettaient dangereusement et quotidiennement la concorde nationale ».

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Il faut dire que le coup d’État intervient dans un contexte de crise, à tous les niveaux de la société. Depuis le 1er octobre, les enseignants sont en grève à l’appel des quatre centrales syndicales du pays pour protester contre des décisions, « arbitraires » selon eux, prises par le pouvoir à l’encontre de plusieurs de leurs collègues. Au niveau économique, la Haute-Volta, dont le produit intérieur brut repose quasi exclusivement sur le secteur agricole et qui envoie plusieurs centaines de milliers de ses ressortissants chercher du travail à l’étranger, faute de pouvoir leur en procurer, souffre en cette année 1980 d’une grave sécheresse qui brûle les cultures. Sur le plan politique enfin, le népotisme et la personnalisation de la vie des partis sont devenus des phénomènes tels qu’ils empêchent une gestion saine des affaires du pays. Rien de très étonnant, donc, à ce que le cardinal Zoungrana, archevêque de Ouagadougou, mette sur le compte de « la Providence » la chute de l’ancien régime, lorsqu’il rencontre Saye Zerbo, le 2 décembre.
Reste que le putsch du 25 novembre met fin à une expérience démocratique citée en exemple dans beaucoup de capitales africaines. En suspendant les formations et les activités politiques nationales, le CMRPN interrompt un processus qui avait abouti à la reconnaissance du pluripartisme, lors de l’adoption de la Constitution de la IIIe République, en 1977. Et signe le premier d’une série de quatre putschs qui vont secouer la Haute-Volta, futur Burkina Faso, durant la décennie 1980.

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