À l’école de Scorsese et de Kiarostami

Publié le 22 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Lors du dîner d’ouverture du Festival international du film de Marrakech (FIFM), qui s’est tenu du 11 au 19 novembre, on pouvait voir à la table d’honneur, présidée par le prince Moulay Rachid, une Catherine Deneuve très souriante assise entre l’Américain Martin
Scorsese et l’Iranien Abbas Kiarostami. Voilà une image qui pouvait symboliser l’aspect
« paillettes » de cette fête du septième art qui en est à sa cinquième édition.
Et pourtant, au milieu de la semaine suivante, c’est en tout autre compagnie que l’on a aperçu les deux cinéastes cultes invités d’honneur du festival. L’auteur de Taxi Driver a en effet planché devant seize jeunes apprentis-réalisateurs huit Marocains, dont cinq femmes, et huit Américains pour une très sérieuse master class. Bien qu’arrivé en retard, à cause d’une longue attente au Palais royal avant une remise de décoration par Mohammed VI, le cinéaste a tenu à prodiguer son « cours » pendant plusieurs heures jusque tard dans la soirée. Expliquant notamment à ses auditeurs, exemples à l’appui (Jules et Jim de Truffaut, etc.), comment il avait pu être influencé par telle ou telle scène de film et par bien d’autres metteurs en scène.
Quant à Kiarostami, c’est même quotidiennement, pendant plus d’une semaine, qu’il a joué les professeurs de cinéma face à des jeunes avides de recevoir des conseils de la part de deux « maîtres du cinéma ». L’un et l’autre, « l’Occidental très concret et l’Oriental plus philosophe », comme les a qualifiés la comédienne Salima Ben Moumen, ont séduit
avant tout par leur simplicité. Loin de chercher à impressionner des débutants, ils
ont, chacun à sa manière, expliqué à quel point l’essentiel ne consiste pas à maîtriser
des techniques mais à « trouver des solutions au fond de soi-même », à « se nourrir de la réalité environnante », à « être honnête et créer, grâce à son univers intérieur, des
images que l’on peut assumer ». Et également à considérer que les contraintes de toutes sortes (financières, politiques, esthétiques, juridiques…) qu’il faut affronter pour réaliser un film peuvent se révéler des atouts à utiliser habilement.
C’est pendant l’édition 2004 que l’idée de cet « atelier » de création cinématographique
a germé dans l’esprit du cinéaste marocain Hakim Belabbes, qui a constaté à quel point les
jeunes Marocains, venus en grand nombre rôder caméra au poing autour de l’événement,
étaient passionnés par le septième art et désireux de bénéficier d’un coup de main pour s’y consacrer. Résidant lui-même à Chicago, où il enseigne depuis quelques années, il a réussi à convaincre un ami américain fondateur d’un nouveau festival en 2001 et Fayçal Laïrachi, vice-président de la manifestation, de l’aider à monter un projet pour répondre à ce besoin. Ce qui a donné naissance à cette initiative parrainée à la fois par le FIFM et le Festival new-yorkais de Tribeca d’où la présence de jeunes Américains aux côtés des Marocains.
Il n’a pas été difficile de décider Scorsese à participer à l’entreprise. Car il admet volontiers avoir une dette artistique envers le Maroc, où il a déjà tourné deux films La
Dernière Tentation du Christ et Kundun. Et il dit avoir trouvé une source d’inspiration
essentielle, à une époque où il éprouvait des difficultés pour créer, dans Transes, un
film réalisé par Ahmed el-Maanouni dans les années 1970 avec les musiciens du groupe Nass el-Ghiwane et diffusé plusieurs fois à la télévision aux États-Unis.
L’apparition de cet « atelier », destiné à durer, témoigne bien de l’évolution du Festival, autant centré désormais autour du septième art en tant que tel, dont nous reparlerons la semaine prochaine, que sur l’aspect people, dominant à l’origine. Elle est on ne peut plus opportune au moment où le cinéma marocain, le plus dynamique du Maghreb et peut-être du monde arabe, semble à même de faire émerger une nouvelle génération de cinéastes prometteurs.

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