L’ancien parti-État dans la tourmente

Affaiblie par un début d’hémorragie, la formation de l’ex-président Ould Taya est aujourd’hui menacée par les querelles de leadership.

Publié le 21 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Le Parti républicain démocratique et social (PRDS) peut-il survivre à son géniteur ? Trois mois après le renversement de Maaouiya Ould Taya, la question est sur toutes les lèvres à Nouakchott. Car une forte incertitude plane désormais sur le sort de la formation du président déchu, qui a dominé pratiquement sans partage la vie politique nationale depuis sa création, en 1991, au tout début du « processus démocratique ».
L’ancien parti au pouvoir souffre d’abord de la désaffection d’une partie de ses membres. Le 8 novembre, une cinquantaine d’entre eux ont rallié le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) d’Ahmed Ould Daddah, principale composante de l’ex-opposition à Ould Taya. Avant eux, des personnalités éminentes telles que l’ex-ministre Mustapha Ould Abeiderrahmane et l’ancien maire de Nouadhibou Kassem Ould Bellali avaient claqué la porte dès le lendemain de la chute de l’ancien chef de l’État, entraînant dans leur sillage quelques sections locales du parti.
Les dégâts auraient pu être limités si, à ce début d’hémorragie, n’était venue s’ajouter une dévastatrice querelle de leadership au sommet mettant aux prises « vieille garde » et « réformateurs » lors du troisième congrès du parti tenu dans la capitale du 21 au 24 octobre dernier.
Les « réformateurs », grands perdants de cette grand-messe « républicaine », ont accusé leurs « frères ennemis » d’avoir foulé aux pieds les règles juridiques régissant le fonctionnement du parti. Ainsi, les membres du gouvernement et du Parlement dissous, congressistes de droit quand ils étaient en exercice, ont participé aux travaux comme si de rien n’était. Ayant porté le contentieux devant la chambre administrative du tribunal de Nouakchott, les réformateurs obtenaient, le 28 octobre, la suspension de toutes les activités de l’ancien parti-État. Trois jours plus tard, le même tribunal ordonnait le gel des avoirs bancaires de la formation et la saisie conservatoire de ses biens meubles et immeubles en attendant de statuer sur le fond du litige. La stupeur passée, la partie adverse réagissait en déposant des recours en annulation contre les deux décisions de justice, obtenant gain de cause le 15 novembre devant la cour d’appel.
Personne n’aurait imaginé un tel imbroglio politico-judiciaire il y a un mois. À la veille de ses assises nationales, la formation de l’ancien chef de l’État semblait en effet avoir réussi son aggiornamento. Sa direction, rassemblée autour du secrétaire général sortant Boullah Ould Mogueya, avait déclaré que la page du « Frère Maaouiya » était tournée. Elle avait salué « le changement du 3 août » et annoncé son appui aux réformes initiées par les nouveaux maîtres du pays. Dans sa sévère autocritique, le parti avait quasiment fini par épouser les griefs de l’ancienne opposition à l’égard de son fondateur : exercice solitaire du pouvoir, vassalisation des institutions…
Au lendemain de la chute d’Ould Taya, alors que tout le monde s’attendait à un éclatement rapide d’une formation dont le seul ciment était l’autorité de l’ancien chef de l’État, les principaux dirigeants du PRDS avaient gardé un semblant d’unité. Ceux qui appelaient de leurs voeux une alternance politique à l’issue de la période de transition ont d’ailleurs pu craindre un temps un retour à la case départ.
Certes, le PRDS est usé par quatorze ans de gestion des affaires publiques. Et, maintenant que l’administration est neutre, il pourrait faire l’objet d’un vote sanction, à l’instar du FLN algérien, en 1990 et 1992, quand le président Chadli Bendjedid a coupé le cordon ombilical entre l’État et l’ancien parti unique. Sauf que les deux pays présentent des visages socio-politiques très différents. En Mauritanie , ce ne sont pas les suffrages des militants d’un courant politico-idéologique qui déterminent l’issue d’une bataille électorale, mais ceux des membres d’une tribu, des originaires d’une région ou des adeptes d’une confrérie. Or, comme l’a suggéré récemment l’universitaire Zeinebou Bent Sidoumou en annonçant sa démission du PRDS, l’ancien parti au pouvoir a réussi, durant les quatorze dernières années, à sceller une alliance – fondée essentiellement sur une communauté d’intérêts – entre une frange de la bourgeoisie d’État et une partie considérable de la chefferie traditionnelle.
Les capacités matérielles du parti sont, de loin, supérieures à celles que ses concurrents pourraient mobiliser. Sous cet angle, la crainte d’un « retour à la case départ » devenait compréhensible d’autant qu’une partie de la vieille garde du PRDS parvenait à peine à cacher ses penchants pour la restauration du président déchu. C’était avant « le congrès de la discorde » et le bras de fer judiciaire qui s’est ensuivi ? Le PRDS s’en relèvera-t-il un jour ? En tout état de cause, le parti qu’on qualifiait, naguère, à Nouakchott, de mammouth aura sensiblement « dégraissé ».

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