À la croisée des chemins

Grâce à l’envolée du prix du baril, le pays dispose d’une solide rente pétrolière qui dope la croissance. L’occasion de mettre de l’ordre dans les finances publiques et de relancer la diversification des activités.

Publié le 21 novembre 2005 Lecture : 4 minutes.

Il y a des pays qui ont une chance inouïe. Une densité de population très faible, des recettes pétrolières en abondance, du minerai de fer et de manganèse à foison, une forêt tropicale particulièrement généreuse… le Gabon a vraiment tout pour réussir. Et pourtant, on ne le trouve qu’au 123e rang sur 177 au palmarès du développement humain établi par le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement). Pas de quoi pavoiser. Surtout si l’on ajoute à cela une estimation confirmée par la plupart des observateurs : plus de la moitié de la population (60 % environ) vit avec moins de 1 dollar par jour. « Une anomalie », estime prudemment un diplomate en poste à Libreville. « Le fruit de la gabegie », dénonce avec virulence la Pasionaria de la contestation sociale, Christiane Bitougat, présidente de la toute nouvelle intersyndicale créée le 8 octobre dernier et regroupant une soixantaine d’organisations, soit au moins 22 % du corps électoral. « Avec un salaire minimum de 44 000 F CFA [67 euros], un taux de chômage de 22 % et aucune protection sociale pour les plus faibles, la pauvreté est galopante au Gabon. Les dirigeants politiques doivent de toute urgence dresser un bilan et tenir les promesses faites durant cette campagne électorale », conclut-elle. Seul l’avenir le dira, mais quelques signes encourageants permettent d’espérer. Avant même le verdict des urnes, les discours et même certaines réalités sont en train d’évoluer au Gabon. « Nous ne voulons plus être un pays de rente », affirme un conseiller du président Omar Bongo Ondimba. « Il faut sortir du piège du pétrole et développer le secteur privé », précise Ludovic Ognagna Ockogho, directeur général de l’Agence de promotion des investissements privés (Apip). Autant de bonnes résolutions qu’il convient à présent de concrétiser. Avec deux atouts de poids : la flambée pétrolière et la normalisation des relations avec les institutions de Bretton Woods.
Avec un baril vendu en moyenne à 44 dollars et une production pétrolière stabilisée à 13,5 millions de tonnes depuis 2003, l’excédent commercial a progressé de 16 % en 2004 pour atteindre 1 600 milliards de F CFA. Quant à la « supercagnotte » accumulée dans les caisses de l’État, elle s’est élevée à 600 milliards l’an dernier. En 2005, cette conjoncture très favorable s’est poursuivie et certaines prévisions tablent sur un taux de croissance supérieur à 3 %. « Le Gabon ne doit pas manquer l’occasion que lui donne le niveau actuellement élevé des cours du pétrole pour assainir durablement ses finances publiques », avertit le Fonds monétaire international (FMI) tout en soulignant les progrès déjà enregistrés. De fait, sur une période relativement courte, les autorités de Libreville ont créé une direction générale des Achats publics pour tous les contrats supérieurs à 30 milliards de F CFA. La loi de finances 2005 a prévu une diminution des dépenses publiques de 21 %. Mieux encore, l’État rembourse ses dettes. Dans le cadre du « Club de Libreville », 39 milliards de F CFA ont déjà été versés aux entreprises qui avaient travaillé pour l’État et qui n’avaient pas encore été payées. Plus de 18 milliards supplémentaires doivent encore être débloqués d’ici à la fin de l’année avant le lancement d’un troisième round de négociations portant sur 50 milliards.
D’autres mesures vont être prises. La fin du monopole de la Société nationale des bois du Gabon (SNBG), très critiquée pour ses méthodes de gestion, sera effective au début de 2006. L’année dernière, les exportations de bois en volume avaient diminué de 30 % tandis que cette filière ne représente que 5 % du PIB. La forêt tropicale naturelle couvre pourtant 80 % du territoire. Le Gabon a par ailleurs adhéré à l’Initiative sur la transparence des industries extractives (EITI), financé un programme d’entretien routier et, enfin, relancé les privatisations. Avec des fortunes diverses. La cession de Gabon Telecom et de sa filiale de téléphonie mobile, Libertis, attend toujours son épilogue. Quant à l’avenir de la compagnie nationale aérienne Air Gabon, il dépend toujours d’un éventuel repreneur. Les discussions avec la Royal Air Maroc à ce sujet se révèlent plutôt difficiles (voir J.A.I. n° 2340).
Pour le reste, les ventes d’actifs publics en 2004 ont atteint 32,2 milliards de F CFA avec, notamment, le rachat d’Agrogabon (huile végétale) et Hevegab (caoutchouc) par la Société belge d’investissement pour l’agriculture tropicale (Siat), qui s’est aussi lancée dans l’élevage bovin. À terme, l’objectif est de développer la filière agricole dans un pays qui importe pour 500 milliards de F CFA en denrées alimentaires.
En juin dernier, à l’issue d’un accord de confirmation sur quatorze mois donnant droit à 102 millions de dollars de crédit, le FMI a salué cette « politique budgétaire prudente et les réformes structurelles visant à diversifier l’économie du pays ». Sur la base de ce satisfecit, les discussions se poursuivent dans la perspective, cette fois, d’un accord sur trois ans. Les objectifs seront les mêmes : la poursuite de l’assainissement des finances publiques, la diversification économique, les réformes structurelles, la bonne gouvernance et la lutte contre la pauvreté. Mais, à la clé, les crédits d’ajustement pourraient être plus élevés et le programme donnerait droit à un rééchelonnement de la dette publique extérieure de 1 746 milliards de F CFA, soit la moitié du PIB. Cela vaut bien quelques efforts.

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