Guinée : report du procès des initiateurs de la contestation contre la réforme constitutionnelle
Au troisième jour consécutif du quadrillage de Conakry par les forces de l’ordre, le procès des principaux initiateurs des manifestations a été reporté à vendredi.
Le procès des huit responsables du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une coalition rassemblant des partis d’opposition, des syndicats et des membres de la société civile, s’est ouvert ce mercredi devant le tribunal de première instance de Dixinn, un quartier de Conakry, placé sous haute protection. Au terme d’une courte audience, le procès a été reporté à ce vendredi pour les réquisitions du procureur et les plaidoiries des avocats. Le tribunal a décidé du maitien en détention des prévenus jusque-là.
Dans une atmosphère tendue, les prévenus ont dénoncé des traitements inhumains et dégradants au cours de leur garde-à-vue, notamment le fait d’avoir été confinés dans des cellules exiguës ou d’avoir été mis à nu. Les huit prévenus avaient été interpellés samedi au domicile du coordinateur du FNDC, l’ancien ministre Abdourahmane Sanoh.
Ils sont jugés pour avoir tenu des propos « de nature à troubler l’ordre public » en appelant à manifester, selon l’accusation, alors que la capitale et plusieurs autres villes ont été en proie lundi et mardi à des heurts meurtriers et que les forces de sécurité restaient très visibles ce mercredi, barrant l’accès à certaines axes de Conakry.
La défense craint une lourde peine
Leur avocat, Salifou Béavogui, s’attend à ce que ses clients soient « punis », a-t-il déclaré lors d’une des nombreuses interruptions de l’audience de la matinée. Ils encourent selon lui des peines allant de 3 à 5 ans de prison.
« Nous allons plaider non-coupable », a-t-il souligné, en ajoutant que l’accusation avait été « mise en déroute » car elle n’a « pas pu apporter la preuve » que ses clients avaient commis des « actes et manœuvres » de nature à troubler l’ordre public en appelant à des manifestations pacifiques. Interrogé en premier, Abdourahmane Sanoh « ne reconnaît pas les faits », a ajouté l’avocat.
Le chef de l’opposition politique, Cellou Dalein Diallo, a exigé l’abandon des poursuites. « Les innombrables intimidations du pouvoir doivent cesser, elles ne nous feront pas abandonner le combat pour la démocratie », a-t-il dit sur Twitter.
Des procès similaires se tenaient dans le même temps dans d’autres villes du pays, selon des sources judiciaires et proches du FNDC, l’organisation qui milite avec virulence contre un projet de révision de la Constitution qui permettrait à Alpha Condé de se présenter fin 2020 pour un troisième mandat.
Bilans contradictoires
Des heurts ont éclaté à Conakry et dans plusieurs villes, depuis lundi, faisant plusieurs morts. Les bilans sont contradictoires. Il y aurait eu six morts parmi les manifestants, tués par les forces de l’ordre, selon des proches et des médecins. Un jeune homme de 23 ans a été « tué par balle » mercredi matin à Yattaya, dans la grande banlieue de Conakry, a affirmé à l’Agence France-Presse Me Salifou Béavogui, en précisant en avoir été informé par la mère de la victime présumée.
Le gouvernement assure pour sa part que consigne a été donnée aux forces de sécurité de ne pas faire usage de leurs armes à feu et a confirmé la mort d’un habitant de Conakry et d’un gendarme, lors des violences qui ont touché la capitale lundi.
Inquiétudes à l’ONU
Interrogé lundi soir sur le sujet, le porte-parole d’António Guterres, le secrétaire général des nations unies, a indiqué que ce dernier « suivait avec de plus en plus d’inquiétude la situation en Guinée » et « appelle toutes les parties prenantes à recourir à un dialogue politique inclusif pour résoudre leurs différends ». Par la voix de son porte-parole, le secrétaire général de l’ONU a également appelé « tous les acteurs à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que la situation actuelle n’empire et ne sape la paix et la stabilité dans le pays et la région ».
Dans un communiqué diffusé lundi soir par les services de la présidence, Alpha Condé avait pour sa part regretté « la rupture du dialogue entre les acteurs » et affirmé son « engagement total pour la démocratie » ainsi que son « souci constant du bien-être de ses compatriotes qui, de tout temps, aspirent à la paix pour eux-mêmes et leur pays dont la sécurité et la stabilité demeurent l’affaire de tous ».
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