Le photographe marocain Hassan Hajjaj colore Paris

Avec Hassan Hajjaj, la Maison européenne de la photographie (Paris) devient la maison marocaine de la photographie. Jusqu’au 17 novembre, l’artiste y a installé ses œuvres multicolores, son mobilier à base d’objets de récupération et son monde bigarré.

 © Hassan Hajjaj

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NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 18 octobre 2019 Lecture : 4 minutes.

Cela fait maintenant un bon nombre d’années que le photographe marocain Hassan Hajjaj est devenu un personnage incontournable de la plupart des rendez-vous de l’art contemporain africain. Enfant de Larache (Maroc) où il est né en 1961, adolescent de Londres (Royaume-Uni), adulte afropolitain, l’artiste autrefois surnommé « Andy Wahlou » par son ami Rachid Taha expose ses œuvres colorées et son mobilier de Marrakech à Bamako en passant par New York et Paris.

C’est d’ailleurs dans la capitale française que se tient actuellement une grande rétrospective organisée par la Maison européenne de la photo sous l’intitulé Hassan Hajjaj, maison marocaine de la photographie, jusqu’au 17 novembre.

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Du petit village marocain à la grisaille londonienne

Débordant d’humour, toujours prompt à se lier d’amitié avec les uns et les autres, Hassan Hajjaj est une personnalité attachante issue d’un milieu pauvre, peu au fait de l’existence même des galeries et des musées où il expose aujourd’hui. « Dans mon petit village, au Maroc, nous étions très, très éloignés du monde de l’art, dit-il. Mais il fallait tout faire, tout fabriquer à partir de rien car nous n’avions pas d’argent. »

Quand il arrive dans la grisaille londonienne au début de l’adolescence, en 1973, Hajjaj affronte un dépaysement glacial dans une ville moins accueillante pour les minorités qu’elle ne l’est aujourd’hui. « Nous, les enfants de l’immigration, n’avions aucun endroit où aller pour faire la fête, aucun moyen de porter les vêtements dont nous rêvions, alors nous avons créé nos propres lieux, nos propres vêtements, notre propre musique », raconte celui qui, déscolarisé, fut un temps un enfant de la rue.

 © Hassan Hajjaj

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Hassan Hajjaj entreprend de photographier son monde pour partager quelque chose de cool de [sa] culture

Impliqué dans l’organisation de soirée – son « université », comme il dit – Hajjaj s’implique dans la décoration, la logistique, la musique. Ainsi que l’écrit la commissaire d’exposition Michket Krifa, qui l’invita aux Rencontres de la photographie de Bamako en 2009, « En parallèle, il travaille dans le milieu de la mode alternative et fréquente les marchés aux puces, où il chine et commence à recycler de nombreux produits vestimentaires et accessoires, customisés dans de nouvelles créations qu’il commence à vendre. Il fonde son label RAP – acronyme de « Real Artistic Pepole » -, qui pose déjà les jalons de son univers artistique, où domine le mixage d’influences ethniques, de logos et d’objets du quotidien. Ses premiers clients sont essentiellement ses amis d’enfance, des DJ, des musiciens, des acteurs des scènes underground. »

Cet univers, c’est grâce à la photographie qu’il va s’étendre, à partir des années 2000. Désormais plus présent à Marrakech, Hassan Hajjaj entreprend de photographier son monde pour, comme il le souligne, « partager quelque chose de cool de [sa] culture ». Cela donne des portrait en contre-plongée et grand angle inspirés de l’esthétique des magazines, des cadres pop-art bardés de logos et de marques, utilisant des objets de récupération et formant des motifs répétitifs, hommages détournés et « pop » à la calligraphie arabe, aux zelliges marocains. Cette référence au « pop art » qui revient en boucle dans les articles et les textes sur son travail, Hajjaj ne la rejette pas : «  Je n’ai pas de problème avec ce qualificatif, cela m’amuse et je suis heureux de ce que je fais. »

 © Hassan Hajjaj

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À la Maison désormais marocaine de la photographie sont exposées plusieurs séries emblématiques de l’artiste comme Gnawi Riders, Kesh angels, Eyes on me, My Rockstars, où l’artiste se joue des clichés orientalistes. « À la question de son identité, Hassan répond que son expérience de la vie est en fait liée au franchissement des frontières, des États, de toutes sortes de barrières et de codes, écrit encore Michket Krifa dans le catalogue de l’exposition. Il « remixe » tous les éléments visuels familiers issus de cultures différentes, et pose la question de l’appartenance culturelle davantage que territoriale, loin des étiquettes et des appartenances figées. »

Décoré par le roi Mohammed VI

Collectionné (et décoré) par le roi Mohammed VI, propriétaire du Riad Yima à Marrakech où affluent stars et touristes et où il vend ses œuvres (de quelques centaines de livres à 15 000 livres), ses objets et ses meubles, Hassan Hajjaj évolue sans prétention entre le monde du design et celui de l’art, soucieux de ne pas se couper du monde, simple, dont il est issu.

La vitalité, la liberté et la poésie de Hassan Hajjaj nous font un bien fou !

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Et si au bout du compte certains pourront penser que son travail manque de profondeur et d’engagement, répétant des formes efficaces et décoratives mais peu novatrices, beaucoup y trouveront leur compte, à l’instar de Michket Krifa : « La vitalité, la liberté et la poésie de Hassan Hajjaj nous font un bien fou ! L’allégresse de son univers bigarré met en sourdine toutes nos peines et nos douleurs. Il a la grâce et la subtilité de nous offrir une version apaisée des grandes problématiques qui hantent notre actualité turbulente. »

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