Derniers coups de pinceau à Bamako

La capitale ne néglige aucun détail pour accueillir le Sommet Afrique-France les 3 et 4 décembre. Reportage.

Publié le 21 novembre 2005 Lecture : 6 minutes.

Sur la grande esplanade du Palais des congrès de Bamako, des dizaines d’ouvriers récurent le sol, réparent la fontaine, peaufinent l’installation électrique et arrosent le marbre fraîchement posé sur les marches de l’édifice. Le mercure indique au moins 35 °C en ce milieu d’après-midi, mais l’heure n’est pas à la sieste. Et pour cause : l’ouverture de la 23e conférence des chefs d’État français et africains – plus communément appelé « Sommet Afrique-France » – approche à grands pas. Il ne reste que deux semaines à la capitale malienne pour revêtir ses plus beaux atours et aux organisateurs du sommet pour faire de cette rencontre, inédite au Mali, un succès.
Alors, au fur et à mesure que les dates des 3 et 4 décembre se rapprochent, les Bamakois prient pour que leur ville ne plonge pas dans le chaos le plus total. Si le pays a déjà accueilli sans encombre la 23e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en 2002 et le sommet de la Communauté économique des États sahélo-sahariens (Censad) en 2004, le défi est, cette fois, d’une tout autre nature. « Bien que la rencontre Afrique-France suscite moins d’enthousiasme que la CAN au sein de la population, ce sont 57 délégations d’hommes politiques, au lieu de 16 équipes de football, qu’il va falloir recevoir et qu’il n’est pas question de loger chez l’habitant », explique Tiébilé Dramé, le président du Comité national d’organisation du sommet Afrique-France (Cnosaf).
La mairie du district de Bamako a donc mis les bouchées doubles pour être prête en temps et en heure. Elle a commencé par remplacer le mobilier urbain détérioré le 27 mars dernier à la suite du match de football entre les Aigles du Mali et les Faucons togolais. Furieux après la défaite de leur équipe, les supporteurs maliens avaient détruit plusieurs lampadaires et feux de circulation. Au total, une enveloppe de 600 millions de F CFA (915 000 euros) a été déboursée pour engager ces premiers travaux. Évidemment, les Bamakois auraient souhaité que ces mesures d’assainissement soient prises indépendamment du sommet, mais ils ne s’en réjouissent pas moins qu’il les ait provoquées.
Pendant que les ouvriers s’affairent encore à poser des pavés rouges et blancs sur les trottoirs du centre-ville et que les jardiniers plantent les derniers palmiers du terre-plein central de l’avenue de l’Indépendance, le Cnosaf s’occupe de la logistique, de la sécurité et de l’hébergement des délégations. Pas moins d’une trentaine de présidents sont attendus. Dans le quartier huppé du Fleuve, Tiébilé Dramé a réuni son équipe dans les locaux qu’avait occupés le Comité d’organisation de la CAN 2002, le Cocan.
Composé de sept commissions et d’une douzaine de sous-commissions, le Cnosaf est une grosse machine que certains observateurs n’hésitent pas à qualifier d’usine à gaz sans grande efficacité, ce qui ne va pas sans susciter quelques inquiétudes dans tous les milieux concernés par l’événement. « Si on les avait écoutés, il y aurait eu un match de foot et une rencontre entre Chirac et des jeunes Africains en même temps que le sommet. Or la mise en place de tous ces projets ne s’improvise pas, s’agace un responsable français. Ils ont de bonnes idées, mais n’ont pas les pieds sur terre ! » ajoute celui-ci.
Les patrons des grands hôtels, eux aussi, se posent des questions. L’avance promise par le gouvernement pour le logement des chefs d’États étrangers dans leurs établissements n’a toujours pas été versée. « Après le sommet de la Censad, l’État a mis six mois à régler la facture, confie l’un deux. Pour nous, il n’est donc pas question de mettre dehors ceux qui nous font vivre pendant le reste de l’année, comme les équipages des avions », poursuit-il. S’ils ne voient rien venir prochainement, les hôteliers menacent, en représailles, de ne pas mettre leurs suites et leurs chambres luxueuses à disposition. Ceux-ci s’interrogent également sur la répartition des participants à la conférence dans leurs établissements. Modibo Cissé, le directeur de la commission hébergement du Cnosaf, préfère d’ailleurs rester discret sur la ventilation des 2 600 chambres que compte Bamako. Il sait déjà que le Français Jacques Chirac viendra avec 270 personnes, que le Congolais Denis Sassou Nguesso sera accompagné de 50 collaborateurs et que les dirigeants algérien, marocain, sud-africain et nigérian seront, eux aussi, bien entourés. Mais la composition des autres délégations se fait attendre. Le Mali n’aurait peut-être pas dû envoyer les invitations aussi tardivement…
« Les Maliens ont tendance à se faire peur tout seuls », relativise pourtant un responsable français, qui estime par ailleurs que « si on a 3 000 participants au sommet, ce sera le grand maximum. Il faut plutôt compter sur 2 500 délégués tout au plus, les 500 journalistes attendus compris. »
Effectivement, si la presse locale a plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme face à la lenteur des travaux, force est de constater qu’aujourd’hui le Palais des congrès est fin prêt pour recevoir le sommet. Le 15 novembre, les ouvriers, qui se relayaient nuit et jour depuis le début du mois d’octobre, en ont terminé la rénovation. Les deux nouveaux bâtiments du complexe – la salle polyvalente qui servira de centre de presse et la salle des conférences où se réuniront les chefs d’État à huis clos – sont fin prêts également. Financés à hauteur de 2 millions d’euros par la France sur un budget total de 6 millions (4 milliards de F CFA), ils ont été édifiés par une entreprise chinoise.
L’organisation du dispositif de sécurité du sommet n’a pas posé de problème non plus. Depuis l’annonce de sa tenue à Bamako, les Français, coorganisateurs de l’événement, participent activement à l’élaboration du système de protection des délégations qui feront le déplacement. Il faut dire aussi que Paris ne veut rien laisser au hasard en la matière. Une bulle aérienne sera donc mise en place au-dessus de la capitale malienne pendant les deux jours du sommet, et une centaine de soldats français seront chargés de surveiller le ciel de la capitale malienne. Dix membres du Groupe d’appui aux hautes personnalités (Gahp) du ministère français de l’Intérieur sont par ailleurs venus former durant six semaines 400 gendarmes et soldats maliens à la protection rapprochée.
Un coup de main apprécié par le Cnosaf, qui admet aisément les difficultés de gestion qu’il rencontre. « On est loin d’être trop nombreux pour penser à tout. Le diable est dans les détails », explique Brahima Fomba, le président de la commission logistique. Lui doit faire en sorte que les chefs d’État arrivent en bon ordre à l’aéroport de Bamako et qu’ils soient escortés sans encombre jusqu’à leur hôtel. Pour cela, il a fallu améliorer l’éclairage de l’aérogare et agrandir la piste d’atterrissage et le parking des avions.
« Dans mon équipe, on ne se connaissait pas, renchérit un président de commission. Au début, ça n’a donc pas été facile de travailler. » La situation n’est pourtant pas nouvelle et amène à se demander pourquoi choisir, à chaque nouvel événement, une nouvelle équipe et un nouveau dirigeant, qui doivent systématiquement essuyer les plâtres ?
Une question qui ne se serait sans doute jamais posée avec un peu d’anticipation. Mais là, les Maliens sont prêts à le reconnaître : ils sont loin d’être les champions de l’organisation. Ils sont même les spécialistes de la « dernière minute ». « Ne nous comparez pas aux Burkinabè. Eux, ils sont organisés ! » plaisante un responsable.
Loin de ces considérations administratives, les habitants de la capitale ne voient dans l’événement du début du mois de décembre qu’une occasion de mieux faire connaître leur ville, son hospitalité légendaire et sa douceur de vivre. Ils espèrent simplement que l’embellissement de leur cité se poursuivra, une fois les chefs d’État partis vers d’autres sommets…

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