Saphia Azzeddine : « La plupart des Français musulmans n’aspirent qu’à une vie tranquille »
La romancière franco-marocaine Saphia Azzeddine répond à sa manière aux questions de Jeune Afrique, alors que la société française se déchire une fois de plus autour de la question du « voile ».
Le premier roman de Saphia Azzeddine, Confidences à Allah, a été publié en 2008. Depuis, l’écrivaine franco-marocaine, native d’Agadir, a sorti six autres ouvrages et participé à l’adaptation au cinéma de l’un d’entre eux, Mon père est femme de ménage.
Après l’agression en France, par un élu du Rassemblement national (extrême droite), d’une mère de famille qui accompagnait une sortie scolaire à un conseil régional, la romancière a partagé sur les réseaux sociaux une anecdote. Elle a raconté comment un grand titre de presse français – qu’elle ne nomme pas – lui a récemment commandé un éditorial autour du sujet du voile. Son texte n’a pas été publié, selon elle, parce qu’il ne collait pas aux attentes du journal.
Dans ce texte, Azzeddine fustigeait un « féminisme bourgeois, prompt à défendre les musulmanes voilées de la terre entière quand, à nos portes, des femmes battues, violées, prostituées ou dans une extrême précarité s’essoufflent ». Elle posait ensuite une question : « En quoi l’exposition à outrance d’un corps est-elle plus tolérable que sa dissimulation ? » Et esquissait une réponse : « Ce qu’il faut retenir, c’est qu’encore aujourd’hui, que l’on soit madone ou Madonna, une femme ne s’envisage que dans le regard de l’homme. »
Son discours se situe donc aux antipodes de celui qui, notamment en France, stigmatise les femmes voilées et tend à faire de « l’islam » – sans le plus souvent préciser ce que le terme recouvre vraiment – la principale menace pesant sur les libertés des femmes.
Jeune Afrique : Avez-vous l’impression que l’industrie culturelle en France, à travers de très nombreux films et livres à ce sujet, participe à faire une fixation sur la question du port du voile, et plus largement sur la condition des femmes musulmanes ?
Saphia Azzeddine : Bien entendu. Vous dites fixation, je dis obsession. Lorsque l’affaire du « voile islamique » – il fallait déjà absolument marteler le mot islamique toujours et partout – a débuté, j’étais au collège et cela concernait environ 2 000 jeunes filles. Comment 2 000 jeunes filles pouvaient-elles à ce point accaparer l’attention ?
Il y a des lois républicaines, l’une d’elle oblige le citoyen à être identifiable dans la rue : les femmes voilées le sont. Point
Ne pas en parler, faire de cet épiphénomène un simple fait divers, et tout se serait certainement éteint comme ça s’était allumé. Il y a des lois républicaines, l’une d’elle oblige le citoyen à être identifiable dans la rue : les femmes voilées le sont. Point. Et il faut surtout rappeler que la laïcité n’est pas l’interdiction des religions, mais leur régulation.
Bien s’informer, mieux décider
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