Astérix à Libreville

Publié le 21 novembre 2005 Lecture : 2 minutes.

On n’échappe pas à son destin. Un peu comme si le Gabon faisait figure de dernier village gaulois du continent africain, avec son million et demi d’irréductibles francophiles, une partie de la campagne pour l’élection présidentielle du 27 novembre aura eu pour cadre les rives de la Seine, aussi familières à la nomenklatura locale pouvoir et opposition confondus – que celles de l’Ogooué. À ce petit jeu d’influences, un peu surévalué et un zeste faisandé, il est strictement impossible de battre Omar Bongo Ondimba, le plus « français » des chefs d’État africains. Les liens de toute nature qu’il a su tisser depuis près de quarante ans avec cinq présidents successifs sont tels que jamais sa position d’interlocuteur privilégié n’a été remise en question. Même en mai 1990, la seule fois où son pouvoir sembla vraiment vaciller, lors des émeutes de Port-Gentil. « Que le peuple passe », avait alors dit François Mitterrand. Bongo tapa du poing sur la table et tout rentra dans l’ordre. Entre lui et l’Élysée, il en a toujours été ainsi : il suffit qu’il tousse un peu pour que les sucreries arrivent…

Certes, le Gabon d’aujourd’hui n’est plus celui d’il y a vingt ans, lorsque ce qu’on appelait alors le pays « PUM » – pétrole, uranium, manganèse – était la deuxième patrie des Corses et la chasse gardée d’Elf et des réseaux parallèles. La présence française, à la fois économique et militaire, s’y est faite plus discrète, et les « petits Blancs » installés à tous les étages du pouvoir sont, pour la plupart, rentrés. Il n’empêche : chaque séjour parisien – et ils sont fréquents – d’Omar Bongo Ondimba donne lieu au même et inoxydable scénario. De l’extrême droite au Parti socialiste, en passant bien sûr par une mouvance ex-gaulliste dont il a connu tous les sigles et tous les avatars, la classe politique française fait la queue devant la suite présidentielle. Ajoutons à cela un dîner à l’Élysée, un déjeuner à Matignon et un autre Place Beauvau, trois ou quatre ministres dans l’antichambre, une dizaine de grands patrons et autant d’intermédiaires de tout acabit – et vous aurez une idée de ce qui fait l’ordinaire d’une visite privée d’OBO en France. Unique.
Unique, mais pas éternel. Omar Bongo Ondimba, qui fêtera ses 70 ans le 30 décembre, a d’ores et déjà passé plus de la moitié de sa vie au pouvoir suprême. Si Bongo V devient Bongo VI à l’issue du scrutin de cette semaine – qui en doute ? -, cet homme hors normes aura cumulé, à l’issue de son nouveau mandat, quarante-quatre années de présidence, une longévité qu’il sera l’un des derniers au monde à assumer tant elle apparaît déjà comme politiquement incorrecte. Pour l’heure, la France serait bien mal venue de ne pas soutenir un chef d’État à qui la relie un océan de services rendus. Tous les Myboto du monde auront beau clamer – avec, dans le cas d’espèce, une crédibilité très relative – que le Gabon, 123e sur 177 au classement du Pnud, aurait pu et dû faire mieux, rien n’empêchera Paris de penser jusqu’au bout : « Bongo ou le chaos ». Il faut dire qu’à Libreville, Astérix a une potion magique aux effets irrésistibles : le pétrole.

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