Révolution dans la Révolution

Création d’une deuxième Chambre, apparition d’un poste de chef de l’État, nomination d’un Premier ministre : la nouvelle Loi fondamentale prévoit d’importantes innovations.

Publié le 21 juillet 2008 Lecture : 3 minutes.

L’éventuelle adoption d’une Loi fondamentale en Libye mettrait fin à près de quarante années pendant lesquelles le pays a vécu sans véritable chef de l’État ni Constitution. Lorsqu’il a pris le pouvoir et aboli la monarchie, en 1969, le colonel Mouammar Kadhafi avait, en effet, gelé celle, réputée démocratique, qui avait été rédigée en 1952 par des experts de l’ONU.
En l’état, la première caractéristique de la « Charte nationale de l’État libyen » en gestation est de reprendre à son compte le pouvoir populaire mis en place par le « Guide », avec ses congrès de base et le Congrès général du peuple (CGP). « Le système de gouvernement en Libye est celui de la Jamahiriya [État des masses, NDLR]. La souveraineté appartient au peuple, et il est interdit d’entraver son pouvoir », dit ainsi son article 3. Fait sans précédent dans le monde, elle fait par ailleurs nommément référence à un dirigeant : « Mouammar Kadhafi est le leader historique de la Grande Révolution du 1er septembre et le fondateur du système de la Jamahiriya. Les Libyens sont fiers de lui, de son rôle historique sans équivalent et de son implication pour préserver le pouvoir du peuple. »
La grande spécificité du texte réside dans la création d’un « Conseil de commandement social » (CCS), une seconde Chambre législative appelée à fonctionner parallèlement au CGP. Elle donnera effectivement naissance à une fonction de chef d’État, qui reviendra à son président, alors que ce rôle est, aujourd’hui encore, assumé de façon informelle par Kadhafi en personne. Le futur président et son vice-président seront « choisis » lors d’une session conjointe du CCS et du CGP pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Le président du CCS sera également le commandant suprême des forces armées et aura pour mission de représenter son pays à l’étranger. C’est lui qui, en outre, promulguera les lois et les décrets, s’adressera à la nation et recevra les lettres d’accréditation des ambassadeurs nommés à Tripoli. Le CCS, dont il sera l’émanation, visera, quant à lui, « à assurer la stabilité de l’État, protéger la Charte nationale, souder les composantes sociales et protéger les traditions et les valeurs culturelles de la société libyenne ». Composé de 100 délégués choisis au sein des instances de base, il sera plus contrôlable que le CGP, où le nombre de délégués avoisine, traditionnellement, les 500.
Sur proposition du président du CCS, le CGP désignera, de son côté, le secrétaire du Comité exécutif général (CEG) – l’équivalent du Premier ministre. La Constitution précise que le CEG sera la plus haute institution exécutive de l’État. Par rapport au système actuellement en vigueur, l’autre grande nouveauté sera la possibilité, pour le Premier ministre, de désigner et de révoquer lui-même ses ministres.
Le projet constitutionnel contient également des dispositions inédites comme la création d’un Conseil d’État et d’une Cour constitutionnelle composée de magistrats, ainsi que l’interdiction des tribunaux d’exception. Selon des termes qui seront définis par la loi, un article envisage enfin la constitution de forums pour débattre de la politique générale de l’État et des questions à l’ordre du jour dans les congrès populaires.
À compter de son adoption, la Constitution ne pourra être amendée, de quelque façon que ce soit, pendant dix ans. Des aménagements pourront intervenir par la suite, mais son remplacement pur et simple par une nouvelle Charte ne pourra intervenir qu’après un délai de vingt ans, et seulement à certaines conditions.

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