Le marché de la bière africaine monte en pression

Si le géant anglo-sud-africain SABMiller et le français Castel contrôlent le secteur à l’échelle du continent en ayant diversifié leurs marques, Heineken est bien décidé à jouer les trouble-fête.

Publié le 21 juillet 2008 Lecture : 4 minutes.

Si le monde de la bière est en encore sous le choc après le rachat du leader américain et producteur de la célèbre Budweiser, Anheuser-Bush, par le géant belgo-brésilien, InBev, en Afrique, les brasseurs déjà en place peuvent observer cette méga-absorption avec un certain flegme. Solidement implantés, les deux poids lourds, SABMiller et Castel, représentent à eux seuls plus de 70 % des ventes. Certes, le propriétaire de la marque Stella Artois pèse à présent, en véritable mastodonte de la mousse, plus du quart du marché mondial, avec un chiffre d’affaires cumulé en 2007 de 39,2 milliards de dollars et pas moins de 376 millions d’hectolitres sortis de ses brasseries mais, sur le continent, il semble difficile de jouer des coudes pour un nouvel arrivant. Et ce quelle que soit sa force.
Présente dans 31 pays – des rives de la Méditerranée jusqu’à la pointe du Cap – dans lesquels elle dispose de 86 brasseries, l’ancienne South African Breweries (SAB) a conservé son ancrage africain malgré ses expansions en Asie, en Europe de l’Est et aux États-Unis, depuis le rachat de l’américain Miller, en 2002. L’année dernière, le groupe, qui produit notamment les Castle, Pilsner et Foster’s, a vu ainsi ses volumes progresser de 12 %. Le numéro deux mondial anglo-sud-africain a ainsi écoulé l’année dernière 239 millions d’hectolitres, dont plus du tiers sur le continent. De quoi voir l’avenir avec confiance, sans s’affoler.

Le duopole SABmiller et Castel
« Grâce à nos différentes implantations, nous avons apporté sur le continent des techniques sophistiquées pour offrir une gamme diversifiée de marques [NDLR : pas moins de 21]. Nous déployons par ailleurs une politique marketing adaptée en fonction des pays », explique le directeur général de SABMiller, Graham Mackay, pour expliquer cette insolente domination qui permet d’engager en permanencede nouveaux investissements ciblés en fonction des habitudes de consommation. « La bière repose sur des marchés locaux, avec peu de marques mondiales. Les économies d’échelle au niveau international sont très difficiles à obtenir. La plupart des synergies proviennent de la consolidation à l’intérieur de chacun des pays », ajoute Mackay.
Beaucoup plus petit que SABMiller, le groupe familial français Castel jouit également d’une place enviée après s’être assuré une situation de quasi-monopole dans plus d’une quinzaine de pays (voir carte), au rythme d’acquisitions et de privatisations des brasseries nationales. De quoi cultiver un certain goût du secret. « Nous ne communiquons aucun chiffre consolidé », explique une responsable des Brasseries glaceries internationales (BGI), la filiale du groupe Castel qui englobe l’ensemble des boissons gazeuses. Heureusement, les patrons locaux se montrent plus transparents ! Surtout quand les résultats sont bons. Exemple avec la plus importante des filiales du groupe Castel. Malgré la percée de la Guinness locale au goût ambré, particulièrement appréciée entre Douala et Yaoundé, les Brasseries du Cameroun ont atteint en 2007 un niveau record de parts de marché (77,5 %) avec des ventes en progression de 13,3 %, soit 3,4 millions d’hectolitres. À la clé, un chiffre d’affaires de 185 milliards de F CFA (+ 13,1 %) et un bénéfice net de 18,6 milliards de F CFA. Castel Beer, Mützig, et 33 Export arrivent en tête. « Notre stratégie commerciale vise une croissance soutenue sur les prochaines années », assure le directeur général, André Siaka.
En Côte d’Ivoire, l’optimisme est le même avec un chiffre d’affaires qui a atteint plus de 100 milliards de F CFA, contre 89 milliards en 2006. La bière ne connaît pas la crise. Avec quatre unités de production (1,3 million d’hectolitres), la Solibra détient plus de 50 % de parts de marché. À défaut d’une réunification effective du pays, la Castel et la Flag montrent la voie ! À des degrés divers, les filiales du groupe Castel enregistrent des performances analogues et ont su développer toute une gamme de marques au gré des préférences de la clientèle. Au total, selon SABMiller, Castel aurait vendu 13,4 millions d’hectolitres de bière en 2007 (+ 5,5 %). Ces chiffres reposent sur une alliance nouée en 2001, qui permet aux deux groupes de protéger leurs deux zones de prédilection, sans se livrer une concurrence acharnée et tout en ouvrant la porte à quelques produits ciblés. Organisation d’un monopole ?

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La percée Heineken
 Depuis son siège d’Amsterdam, Heineken,  le numéro trois mondial semble déterminé à pousser ses pions et à remettre en question ce qui ressemble fort à un traité de Berlin de la bière. Avec une production de 15,6 millions d’hectolitres – sur un total de 119,8 millions – en 2007, soit une croissance de 18 %, la région Afrique/Moyen-Orient est devenue la deuxième zone la plus importante après l’Europe. Mieux, Heineken dispose de deux places fortes. Au Nigeria, les brasseries Nigerian Breweries et Consolidated Breweries (Heineken, Amstel, Star, 33 ExportÂÂÂ) sont en progression de 12,5 % et consolident leur position de leader. En RD Congo, la Primus, produite par Bralima – détenue à hauteur de 95 % par Heineken -, est tout simplement une institution. « Heineken est sans doute le concurrent le plus dangereux mais nous ne sommes pas trop inquiets. Nous sommes implantés sur le continent depuis le XIXe siècle. Heineken a déjà essayé de pénétrer ce marché dans les années 1970-1980 mais il s’est peu à peu effacé. En Afrique, il faut une très bonne connaissance du terrain », assure le directeur de la communication de SABMiller, Najil Fairbass. Cela relève sans doute un peu de la méthode Coué. Le juge de paix sera de toute évidence le consommateur. Et de ce point de vue, il y a encore des places à saisir. Alors qu’un Anglais boit 100 litres de bière par an, un Africain se limite à 10 litres. Sans s’approcher des excès des sujets de Sa Majesté, le continent constitue une nouvelle frontière. Pour la bière également.

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