Jean Ping
Président de la Commission de l’Union africaine.
Si ses traits légèrement tirés trahissent la fatigue, Jean Ping ne peut pas se permettre le luxe de s’arrêter. Quand le président de la Commission de l’Union africaine (UA) nous rend visite, le 15 juillet, dans les locaux de Jeune Afrique, le sommet de l’Union pour la Méditerranée (UPM) auquel il a pris part en qualité d’observateur vient à peine de se terminer. Dès le matin du 16 juillet, il quittera Paris pour Ankara afin de participer à la préparation du sommet Turquie-Afrique, du 18 au 21 août prochain. Moins de vingt-quatre heures plus tard, il se retrouvera en Afrique du Sud pour s’entretenir avec Thabo Mbeki sur l’état d’avancement des négociations engagées pour sortir le Zimbabwe de l’impasse.
Quatre jours seulement après sa prise de fonctions, le 28 avril, l’ancien ministre gabonais des Affaires étrangères, né en 1942 à Omboué, dans la province de l’Ogooué-Maritime, s’est retrouvé dans le tourbillon de la crise qui venait d’éclater dans ce pays d’Afrique australe. Lui qui voulait consacrer ses premiers mois à réformer la machine UA change illico de priorité. Il est aussitôt ballotté de Harare à Lusaka, via Johannesburg.
Plongé depuis lors dans le maelström zimbabwéen, il tolère difficilement la critique sur la position adoptée par l’UA au sommet de Charm el-Cheikh des 30 juin et 1er juillet derniers. « L’UA ne pouvait faire autrement, se défend-il. Avec 47 % au premier tour de l’élection pour Morgan Tsvangirai et 42 % pour Robert Mugabe, le Zimbabwe est divisé en deux. Pour éviter que l’affrontement ne dégénère en guerre civile, il n’y a qu’une solution : trouver un compromis entre les deux parties, du type de celui qui a mis fin à la crise postélectorale au Kenya. »
Quand nous lui faisons remarquer qu’un arrangement pareil légitime le coup de force de Mugabe et sacrifie le principe démocratique sur l’autel d’une paix précaire, Jean Ping rétorque : « Au Kenya, il y a eu 1 500 morts. Devions-nous attendre qu’un tel scénario se reproduise à Harare ? Si la démocratie est importante, il est tout aussi essentiel de prévenir des pertes en vies humaines. »
Pourquoi, malgré tout, avoir accepté que Mugabe, proclamé mal élu, y compris par les observateurs de l’UA, occupe le siège du Zimbabwe à Charm el-Cheikh ? « Si certains États y étaient hostiles, la majorité d’entre eux n’y voyait pas d’inconvénients. C’est aussi cela la démocratie : le règne de la majorité, même si celle-ci peut avoir tort. »
S’il a du mal, par déformation professionnelle, à débarrasser son langage de formulations diplomatiques, l’ancien ministre d’Omar Bongo Ondimba dit les choses. Comme lorsqu’il exprime son désaccord sur l’action engagée le 14 juillet par le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, contre le chef de l’État soudanais, Omar el-Béchir : « La justice internationale est à géométrie variable. Elle ne s’attaque qu’aux dirigeants des pays faibles. Si nous sommes contre l’impunité, nous constatons deux poids deux mesures dans la mise en ÂÂÂuvre du principe de compétence universelle. » Avant d’ajouter, un brin agacé : « On ne peut pas, au moment où nous tentons d’éteindre le feu, s’amuser à l’attiser, mettant en danger la vie des agents de l’ONU et de l’UA sur le terrain ainsi que celle de leurs proches. »
La gestion des crises n’est Pas l’unique défi qui se pose à Jean Ping. Il doit réformer une UA bureaucratique et sclérosée. Contrairement à son prédécesseur, Alpha Oumar Konaré, qui se plaignait d’être un président de Commission sans pouvoir sur les commissaires et de ne pouvoir rien faire avec 534 fonctionnaires et 70 millions de dollars de budget annuel, Ping veut obtenir des résultats avec les moyens du bord. La voix de l’UA n’était-elle pas plus audible sous Konaré ? « Ce n’est pas parce que je parle peu que je n’agis pas », répond son successeur.
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