À l’affiche dans « Papicha », Shirine Boutella, entre réseaux sociaux et grand écran

Influenceuse connue pour ses tutoriels beauté sur YouTube et Instagram, Shirine Boutella est actuellement à l’affiche du film « Papicha » de Mounia Meddour, sorti en France le 9 octobre 2019.

Shirine Boutella s’est installée à Paris en décembre 2018. © Shirine Boutella/DR

Shirine Boutella s’est installée à Paris en décembre 2018. © Shirine Boutella/DR

KATIA TOURE_perso

Publié le 24 octobre 2019 Lecture : 5 minutes.

La réalisatrice franco-algérienne Mounia Meddour l’a choisie pour camper le rôle de Wassila dans « Papicha » – son premier-long métrage qui traite des désillusions d’un groupe d’étudiantes algériennes, assoiffées de liberté, en pleine décennie noire en Algérie.

« Wassila est un personnage qui me ressemble. C’est une bonne vivante qui est aussi forte que fragile. Aussi, quand j’ai lu le scénario, j’ai été époustouflée. Je n’ai pas hésité une seconde face à une si puissante histoire. On parle là d’un film qui vient des tripes », raconte Shirine Boutella, 29 ans, connue également pour faire partie des premières Algériennes à avoir placé leur pays natal dans la sphère des influenceurs.

la suite après cette publicité

Il faut dire qu’en plus d’être actrice, la jeune femme – née à Alger d’un père algérien, ancien pilote de chasse de l’armée de l’air algérienne, et d’une mère austro-algérienne, architecte de formation -, est aussi suivie sur Instagram par 1,9 million d’abonnés et sur YouTube, sous le nom de Mademoiselle S, par plus de 500 000 personnes.

Tapis Rouge 

Sa signature : les tutoriels beautés entre maquillage et produits bien-être. Le tout avec une pointe d’humour à laquelle contribue, de temps à autre, sa sœur, la chanteuse et humoriste Senda Boutella. « Je continue à mettre des guillemets autour du terme « influenceuse ». C’est un mot que même les abonnés n’aiment pas. Il nous représente sans vraiment nous représenter. On se demande qui on influence. On propose juste des choses qui nous touchent, que l’on aime et on prodigue des conseils. »

Mais comment passe-t-on des réseaux sociaux au Festival de Cannes – « Papicha » ayant été sélectionné dans la catégorie « Un Certain Regard » cette année ? « C’est une question de chance. J’ai rencontré et fais confiance aux bonnes personnes, au bon moment. Dans ma vie, j’ai toujours avancé avec bienveillance, mais aussi avec une certaine forme de naïveté. J’ai longtemps pensé que c’était un défaut, mais je me suis rendue compte que c’est grâce à cela que j’en suis là aujourd’hui. »

la suite après cette publicité

https://www.instagram.com/p/B0ELDvCiZo0/

Passionnée de make-up

la suite après cette publicité

Après avoir grandi à Oran puis en Belgique avant de retrouver Alger, elle obtient son bac et entame des études en cinéma et audiovisuel à l’Université Sorbonne Nouvelle de Paris. « À cette époque, je ne savais pas tout à fait ce que je voulais faire de ma vie. Au bout de trois ans en licence, l’idée de continuer en master m’a rebutée. Les cours étaient vraiment trop théoriques. » Elle décide alors, en 2015, de quitter Paris pour s’installer à Vienne, afin d’apprendre l’allemand, l’une des langues maternelles de sa mère.

Le matin, elle suit des cours d’allemand. Le soir, elle travaille comme serveuse dans un restaurant français. Et le reste du temps, elle s’ennuie ferme. « C’est là que j’ai commencé à regarder des vidéos sur YouTube. Je trouvais cool les vidéos de manucure, « nail art » et maquillage. Aussi, je m’achetais toutes sortes de cosmétiques afin de reproduire ce que je voyais. Cela commençait à me passionner. Et puis, j’ai eu l’idée de créer ma propre chaîne et poster mon contenu. » Elle s’initie au montage tant que faire se peut et investit dans du matériel.

Vers la série télé

Les Algériennes sont très vite au rendez-vous. Tant et si bien que, de retour à Alger en 2017, elle s’improvise maquilleuse pour des cérémonies de mariage à la demande de celles qui l’ont découvertes sur YouTube ou sur Instagram. « Je me suis retrouvée très vite avec 40 000 abonnés sur Instagram quand je suis rentrée à Alger. »

Repérée par une société de communication algéroise, Wellcom Advertising, Shirine Boutella peut dès lors compter sur un agent. « Elle a vu un potentiel en moi et m’a proposé d’animer de petites capsules pour un partenaire événementiel pendant le ramadan. Après la rupture du jeûne, j’avais pour mission de suivre des spectacles, d’interviewer les artistes et le public. Mes petits reportages étaient ensuite publiés sur la page Facebook de l’opérateur mais aussi sur YouTube. »

Shirine Boutella © Capucine De Chocqueuse

Shirine Boutella © Capucine De Chocqueuse

À l’agence, on lui propose également d’intégrer le casting de deux séries télévisées dans lesquelles la jeune femme fait ses premiers pas d’actrice : El Khawa – elle y campe une cheffe d’entreprise autoritaire et hautaine pendant deux ans – ainsi que Casbah City – production comique où elle joue un garçon manqué- . Les deux séries ont été diffusées sur la chaîne El Djazairia One.

« Dès la première saison d’El Khawa, je suis passée de 80 000 à 200 000 abonnés sur Instagram en l’espace d’un mois. Et puis, j’ai commencé à recevoir des commentaires malveillants, méchants. Ça ne s’est pas arrangé avec la deuxième saison. Je ne comprenais pas pourquoi je n’arrivais plus à être sur la même longueur d’onde que ma communauté. Je devenais une personnalité publique et c’est devenu de plus en plus difficile à gérer. C’est là que des amis m’ont conseillée de venir m’installer à Paris. »

Cyber-harcèlement

C’est après le tournage de « Papicha » qu’elle quitte Alger, en décembre 2018, pour la capitale française. Mais pas avant d’avoir vécu une dernière mésaventure. Alors qu’elle participe, en tant que youtubeuse intervenante, à une conférence sur le cyber-harcèlement et la cybercriminalité dans le cadre du Comic Con en Algérie, elle est filmée, à son insu, alors qu’elle lit les commentaires haineux qu’elle reçoit afin de sensibiliser la jeune audience qui l’écoute.

La vidéo est postée sur les réseaux sociaux, sortie de son contexte. « J’ai été lynchée. J’ai eu droit à une déferlante de haine sans précédent. Je suis restée trois jours enfermée chez moi puis j’ai diffusé un communiqué pour expliquer le contexte dans laquelle la vidéo avait été filmée. Ça a changé ma façon de faire sur les réseaux sociaux. Moi qui aimais le fait d’être proche de mes abonnés, de pouvoir dire ce que je pensais, quand j’en avais envie, j’ai commencé à être plus vigilante. »

https://www.instagram.com/p/ByqO1LwipoV/

Nouvelle vie à Paris

Aujourd’hui installée à Paris, elle a intégré une agence d’influenceurs, Sœurette Productions, et compte, en plus, deux agents pour ses projets cinématographiques. Elle multiplie donc les campagnes et collaborations avec des marques comme The Alchemist Atelier, Waterdrop, NaturalMojo, etc. Sa communauté est majoritairement algérienne mais compte aussi des Français (15% environ), des Espagnols et même des Coréens.

Shirine Boutella partage donc son temps entre deux activités pour lesquelles elle travaille son image tout en croquant la vie à pleine dents. « Je suis super reconnaissante envers ceux qui ont cru en moi alors que je ne suis personne. » Personne ? Pragmatique, l’actrice-influenceuse répond : « Tout peut s’arrêter du jour au lendemain. On reste des êtres humains. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires