Difficile ménage à trois

La France peut-elle contribuer à aplanir les différends algéro-marocains ? La réussite de l’UPM est à ce prix.

Publié le 21 juillet 2008 Lecture : 3 minutes.

L’absence d’Abdelaziz Bouteflika lors du lancement, le 13 juillet à Paris, de l’Union pour la Méditerranée (UPM) n’aurait pas étonné grand-monde tant le président algérien a laissé planer le doute sur sa participation et manifesté un intérêt relatif pour le projet au cours des derniers mois. Mais la défection de dernière minute du roi du Maroc, qui inaugurait, ce même jour, des installations dans la station balnéaire de Saïdia, a constitué une surprise de taille.
Mohammed VI s’est fait représenter par son frère, le prince Moulay Rachid. Mais, le 12 juillet, il a téléphoné au président français pour l’informer de son adhésion à l’UPM. Trois jours plus tard, pourtant, Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, a entretenu le mystère en déclarant devant le Parlement européen que l’absence du roi s’expliquait par de « bonnes raisons » sans lien avec le sommet. Nicolas Sarkozy ne semble pas tenir rigueur au souverain puisque, les 19 et 20 juillet, il s’est rendu en voyage privé à Marrakech.
Les bonnes relations franco-marocaines pourraient pâtir des exigences du voisin algérien. « Les autorités de ce pays s’opposent à ce que le siège de l’UPM revienne au Maroc », explique un diplomate, à Rabat. Inacceptable pour les responsables chérifiens, qui dénoncent l’acharnement d’Alger, sur fond de polémique saharienne. Ces dernières semaines, la presse algérienne a fait monter les enchères en conditionnant la présence à Paris de Bouteflika à la prise en considération de son veto, à des explications sur la nature de l’UPM, à une révision de la position française sur le Sahara occidental (favorable au royaume) et à l’expression d’une « repentance » de la France pour ses crimes de la période coloniale.
À Paris, les autorités se sont agacées de ce chantage, mais ont tout fait pour rassurer leur capricieux partenaire. De quoi énerver les Marocains, qui, l’été dernier déjà, avaient peu apprécié la valse-hésitation française concernant la première visite officielle de Sarkozy au Maroc. Et son choix de se rendre d’abord en Algérie.
« Nous avons voulu signifier notre mécontentement d’être si mal remerciés de notre diplomatie tranquille et vertueuse, alors que le chantage et les pressions algériennes font mouche », explique un diplomate, qui rappelle que le royaume manifeste un engagement sans faille dans tous les projets en cours avec l’Union européenne, notamment l’octroi au royaume d’un « statut avancé » par la Commission de Bruxelles. Le projet de construction d’un pont à travers le détroit de Gibraltar, la concrétisation du port de Tanger-Med, la coopération culturelle, les délocalisations d’entreprises espagnoles et françaises : autant de preuves de la volonté marocaine de développer un partenariat « méditerranéen ». Depuis plusieurs mois, Rabat tend par ailleurs la main à son voisin en vue de la réouverture de la frontière et du règlement du contentieux saharien. En vain, pour l’instant.

Succès fragile
Jusqu’au bout, les diplomates français ont tout fait pour obtenir la participation de Bouteflika, qui, s’il avait fait défection, aurait été le seul, avec le « Guide » libyen, à bouder un événement susceptible de relancer le processus de paix israélo-palestinien et de contribuer au règlement du différend libano-syrien. Sarkozy n’a obtenu l’assurance de sa présence que le 7 juillet, au Japon, lors du sommet du G8.
Le succès diplomatique français est cependant fragile. Lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères qui doit se tenir en novembre, il ne sera pas facile de parvenir à un consensus. Pas de problème pour la coprésidence de l’UPM, confiée à Sarkozy et à l’Égyptien Hosni Moubarak. Mais reste à choisir la nationalité du futur secrétaire général et la ville où sera installé le siège de l’Union. Sans même parler de l’organisation interne de celui-ci.
Profitant des bisbilles algéro-marocaines, Tunis a de bonnes chances d’hériter du siège, même si l’Espagne, qui héberge actuellement la structure du Processus de Barcelone, ne s’effacera probablement pas de bonne grâce. Et la récente candidature de la ville de Marseille va encore compliquer les discussions.

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