Dialogue de sourds à Malabo

Censé apaiser la situation, le Conseil des ministres de l’Asecna, réuni en Guinée équatoriale, n’est pas parvenu à calmer les velléités de sécession du Sénégal.

Publié le 21 juillet 2008 Lecture : 3 minutes.

La rencontre s’annonçait houleuse. Elle l’a été. La 48e réunion du Comité des ministres de tutelle de l’Asecna, l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar, organisée à Malabo, le 11 juillet, et à laquelle assistait Alain Joyandet, le secrétaire d’État français à la Coopération, a tourné à la foire d’empoigne. Sur le banc des accusés : Farba Senghor, le bouillant ministre sénégalais de l’Artisanat et des Transports aériens, venu en Guinée équatoriale pour défendre les intérêts de son pays, et sommé par ses pairs, exaspérés par son « comportement cavalier », de restituer l’ensemble des redevances aéroportuaires collectées par Dakar depuis le 10 mai dernier, « en violation des règles communautaires ». Poussé dans ses retranchements, après plusieurs heures de débats stériles, ce proche d’Abdoulaye Wade a fini par quitter la salle et laisser la réunion se terminer sans lui.
La crise larvée entre Dakar et l’Asecna remonte au 14 novembre 2007. Ce jour-là, le Sénégal, qui abrite le siège de l’organisation fondée en 1959, regroupant dix-huit pays et qui constitue un des rares exemples d’intégration économique réussie sur le continent, annonce son intention de se retirer de l’agence, estimant qu’elle lui prend plus qu’elle ne lui donne. Avant de faire volte-face quelques jours plus tard mais en assortissant son retour d’une série de conditions : un audit de l’organisation, une remise à plat du système de répartition des droits de trafic, et la gestion directe des aéroports. Un nouveau palier est franchi début mai, lorsque Dakar décide unilatéralement de se réapproprier son espace aérien et de percevoir directement les redevances revenant normalement à l’Asecna. Selon Dakar, elles s’élèvent annuellement à 76 milliards de F CFA (115 millions d’euros).

Le Sénégal sur le banc des accusés
Financièrement en bonne santé, l’organisation disposait d’un budget de 150 milliards de F CFA en 2007 pour 14,5 milliards de bénéfices. Un audit, diligenté par le conseil d’administration de l’Agence pour répondre aux objections sénégalaises, a été conduit. Mais ses conclusions, assez nuancées, ont été rejetées, à Malabo, par Farba Senghor, qui a exigé un nouvel audit impartial.
« Le Sénégal a posé des bonnes questions, constate un diplomate qui a assisté au huis clos, et l’Agence gagnerait à améliorer sa gouvernance et à informer davantage les États membres de ses activités. Les arguments qu’il a présentés ne sont pas tous sans fondement. Le problème, c’est qu’il donne l’impression de se livrer à un chantage. Beaucoup s’interrogent sur ses véritables motivations. L’Asecna possède un joli patrimoine immobilier à Dakar, notamment des terrains à construire, qui aiguisent l’appétit des promoteurs. Or Dakar exige un inventaire des biens de l’agence. De à penser que certains songeraient à faire monter les enchères pour obtenir un partage plus équitable et réaliser une juteuse plus-value, il n’y a qu’un pas. » Résultat : Farba Senghor s’est fait vertement tancer par ses collègues, et la réunion de Malabo, censée arrondir les angles, a viré au dialogue de sourds.
La résolution du Conseil des ministres de l’Asecna ne fait pas dans la dentelle. Elle « exprime sa préoccupation », « déplore l’attitude du ministre », qui a maintenu des « exigences inacceptables », et ordonne que le Sénégal se mette en conformité avec les règles de la communauté. La résolution donne également mandat au conseil d’administration et à la direction générale pour « étudier des mesures de tous ordres permettant d’assurer en dehors du Sénégal les activités du siège et des autres installations et services communs à compter du 1er janvier 2009 ». La menace est à peine voilée. L’Asecna sera-t-elle acculée à cette extrémité ? On n’en est pas encore là, mais une chose est sûre : les diplomates auront du pain sur la planche d’ici à la prochaine réunion, prévue en décembre 2008ÂÂÂ

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