[Tribune] Pourquoi Donald Trump ne sera pas réélu
La procédure de destitution lancée par les démocrates à l’encontre de Donald Trump a-t-elle des chances d’aboutir avant le vote de novembre 2020 ? Au-delà des vicissitudes liées à une telle initiative, on peut déjà prévoir sans trop de risque de se tromper que, même si cette procédure n’allait pas à son terme, l’actuel président américain a peu de chances d’être réélu. Et ce, pour des raisons de fond.
La situation économique des États-Unis conditionne largement la réélection d’un président. Or Donald Trump est en train de perdre la guerre commerciale qu’il a lui-même engagée. Ayant tardivement pris conscience de l’impact négatif de celle-ci sur les marchés internationaux, il a poussé ses négociateurs à signer un accord à tout prix avec la Chine.
Et même si cet accord tant attendu peut momentanément calmer des marchés fort nerveux depuis un an, l’idée progresse dans l’opinion américaine que la guerre commerciale menée par leur président est pour quelque chose dans le ralentissement économique actuel. Au point qu’un ancien responsable de la Fed, William Dudley, a déclaré publiquement que la Banque centrale devait empêcher la réélection de Trump dans la mesure où celle-ci « représente une grave menace pour l’économie américaine et mondiale ».
Si le ralentissement de l’économie nationale se confirmait, le locataire de la Maison-Blanche se trouverait dans la pire des postures lors de la présidentielle de 2020.
L’économie joue un rôle central dans la réélection d’un président, mais tout ne dépend pas d’elle ; l’image de l’homme d’État compte aussi. Or celle que renvoie le président s’est tellement dégradée que ses concitoyens sont désormais favorables, à une majorité croissante (55 %), à son impeachment. Si l’élection de Donald Trump était totalement inattendue – y compris pour l’intéressé –, l’effet de surprise ne jouera plus en 2020.
Recul significatif
On a dit qu’il avait été élu par défaut, du fait de la défiance qu’a suscitée une Hillary Clinton perçue comme l’incarnation du politiquement correct. Mais la personnalité et les résultats de Donald Trump ont fini par ouvrir les yeux d’un grand nombre de citoyens américains, dont une portion stratégique de son électorat qui ne semble aujourd’hui plus disposée à lui faire aveuglément confiance.
Car, au-delà du handicap majeur que représente l’hostilité de l’électorat féminin, qu’il s’est aliéné depuis longtemps, et malgré ses efforts infructueux pour se rallier l’électorat juif, qui demeure majoritairement démocrate malgré une politique outrageusement pro-Netanyahou, Trump a d’ores et déjà perdu une partie substantielle de son électorat traditionnel.
La lassitude à l’égard des frasques présidentielles a atteint un niveau tel qu’elle transcende désormais les clivages politiques
Le soutien dont il bénéficiait parmi les agriculteurs du Midwest s’est ainsi effrité en raison de l’impact des représailles chinoises ciblant les produits et les États pro-Trump : chute des cours, morosité des marchés et baisse des revenus. Si bien que son recul est significatif dans plusieurs États pivots qui avaient assuré son élection en 2016. Dans le Wisconsin, ils ne sont plus que 41 % à le soutenir, contre 55 % d’avis défavorables. La même tendance apparaît en Pennsylvanie, au Minnesota ainsi que dans le Michigan – des États clés pour l’élection.
Il ne faut pas négliger non plus l’impact négatif de la procédure de destitution, lequel est aggravé par la multiplication des révélations et des scandales. La lassitude à l’égard des frasques présidentielles a atteint un niveau tel qu’elle transcende désormais les clivages politiques.
L’hostilité à l’égard de Trump est en effet désormais transpartisane. Le 19 août, le journal conservateur National Review écrivait : « Même les soutiens de Trump commencent à se lasser de ses éclats quotidiens. » Les militaires, les diplomates, les agences de renseignements, mais aussi de hauts responsables du Parti républicain, comme le sénateur Lindsay Graham, en sont arrivés à désespérer d’un président qui a abandonné les alliés kurdes à leur sort pour honorer une vague promesse électorale.
L’affaire des conversations de Donald Trump avec ses homologues ukrainien et australien trahit sa méfiance à l’égard de ses propres services et accrédite la thèse d’un président représentant un « risque pour la sécurité nationale », justifiant le déclenchement de la procédure de destitution par la démocrate Nancy Pelosi. La présidente de la Chambre des représentants était pourtant jusqu’alors soucieuse d’éviter une démarche potentiellement contre-productive et vouée à l’échec tant que le Parti républicain faisait bloc derrière Trump.
Fébrilité et affolement
Si la destitution dépend in fine du vote du Sénat, où les républicains sont majoritaires, la défiance du président à l’égard du Congrès – alors que « l’obstruction au Congrès » est un motif de destitution – et la dynamique actuelle de délégitimation croissante de Trump pourraient faire basculer une fraction suffisante de sénateurs républicains…
La fébrilité actuelle de Donald Trump montre qu’il a sans doute compris que sa réélection était compromise. Un certain affolement semble même avoir gagné son administration, consciente qu’il aborde l’élection en position de faiblesse, et que la polarisation de la campagne ne suffira vraisemblablement pas à assurer à l’actuel président sa réélection en novembre 2020.
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