Abou Dhabi : un eldorado moderne
Un zeste de religion dans un monde de laïcs. Sur le tarmac de l’aéroport parisien de Roissy, les versets du Coran psalmodiés dans l’avion juste avant le décollage ont de quoi surprendre les passagers non habitués. Et rassurer les nombreux musulmans présents : « Allah nous a accordé ses biens et sa bénédiction », affirme la voix des haut-parleurs. Un rappel à Dieu qui, au moment de confier sa vie au hasard des cieux et des turbulences, ne manque pas d’à propos.
Étrangement, le vol Paris-Abou Dhabi (capitale de l’émirat du même nom) dure six heures à l’aller, mais sept heures au retour Comme si des vents mystérieux tentaient de retenir les visiteurs dans l’émirat ! Pourtant, les charmes d’Abou Dhabi n’ont rien à voir avec de la magie. Certes, les touristes ayant pour but de marcher à l’ombre de palmiers ou de très hauts immeubles et – en ce qui concerne les femmes – de la gente masculine ne seront pas déçus du voyage. Mais les promeneurs qui aiment se perdre dans un dédale de ruelles insolites en seront pour leur frais. Les grandes avenues de la ville, noyées dans la chaleur étouffante de la journée, sont conçues pour les grosses berlines climatisées aux vitres fumées, non pour les amoureux des flâneries citadines. Ici, pas de transports publics : c’est le royaume de la voiture privative et du taxi.
Modernité cosmopolite
Le trafic est particulièrement dense autour des centres commerciaux : les fameux malls, en anglais. Ceux-ci, sortes de villes dans la ville, sont aussi bien fréquentés par des femmes entièrement voilées de noir que par d’autres vêtues de simples jean et tee-shirt La abaya traditionnelle (voile intégral) n’est pas de rigueur comme en Arabie saoudite. Une femme peut conduire une voiture et même se baigner sur les plages privées des hôtelsÂÂ Mais elle doit éviter de sourire à un homme : ça pourrait passer pour une avance !
Les mondes bédouin et occidental, traditionnel et moderne se côtoient allègrement mais ne se croisent véritablement qu’au gré de lignes difficiles à cerner, et certainement aussi mouvantes que l’émirat lui-même. Ce qui n’empêche pas ce dernier d’être très encadré par une police d’autant plus redoutée qu’elle demeure invisible. Pas l’ombre d’un képi à l’horizon ! Si vous laissez ouvertes les portes de votre logement ou celles de votre voiture, ou encore si vous oubliez votre sac à main sur un banc, il n’y a pas lieu de s’inquiéter : personne ne viendra vous voler.
Autre caractéristique : il règne à Abou Dhabi, comme dans toutes les grandes métropoles modernes, une intense sensation d’anonymat, encore renforcée par un très fort cosmopolitisme. L’immense majorité de la population (82 %) se compose d’étrangers de plus de 100 nationalités. Les communautés les plus importantes sont constituées par des Pakistanais, des Indiens et des Égyptiens – lesquels occupent en général des métiers peu qualifiés -, mais aussi par des Libanais. Au nombre de 60 000 environ, ces derniers se sont fait une place dans les principaux rouages de l’économie et de la culture : ce sont des mharrek (des « éléments moteurs », en arabe). Et les Maghrébins ne sont pas en reste. Les Marocains travaillent surtout dans l’armée et l’hôtellerie, les Algériens dans le pétrole et les Tunisiens dans la pétrochimie et l’enseignement. Tous n’ont qu’une seule idée en tête : faire fortune à Abou Dhabi, cet eldorado moderne et libéral qui concentre environ 9 % des réserves mondiales de pétrole sur une superficie équivalente à celle du Togo. De quoi, sans doute, faire oublier pendant un certain temps le charme des vieilles médinas à de nombreux jeunes diplômés.
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