À quand la fin de la galère ?

Les vétérans de la Coloniale attendent toujours la revalorisation de leurs pensions promise par le gouvernement français.

Publié le 21 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Près de vingt mois après l’arrêt Diop dans lequel le Conseil d’État français a ordonné l’alignement de leurs pensions sur celles de leurs frères d’armes français, les 85 000 anciens combattants africains attendent toujours justice. Sur la base de sa propre lecture de la décision qui le condamne, le gouvernement français a mis au point un système de revalorisation indexé sur le niveau de vie des pays d’origine des anciens combattants et fixé dans une loi votée en décembre 2002 (voir J.A.I. n° 2192). Le décret d’application qui permettra de procéder au paiement n’est toujours pas pris. Patrick Levaye, chargé du dossier de la décristallisation des pensions au secrétariat d’État français aux Anciens combattants, assure que le texte est déjà rédigé et discuté par le gouvernement. Il passera pour approbation sur le bureau du Conseil d’État dans les toutes prochaines semaines. Après quoi, il sera signé. « Avant la fin de l’été », précise le fonctionnaire.
À en croire le secrétariat d’État, « la décristallisation va aussitôt prendre effet. Les anciens combattants n’auront pas besoin de remplir la moindre formalité. Le Trésor public français se chargera lui-même de calculer les augmentations des pensions et de les payer. Les anciens combattants qui préféreront recevoir un montant global au lieu de la rente habituelle se verront verser un capital. »
Qu’en est-il des arriérés, après plusieurs décennies de gel des droits dus aux « soldats indigènes » ?
Se fondant sur une vieille règle de droit administratif, le gouvernement français a décidé d’appliquer la rétroactivité quadriennale qui limite l’apurement de tous les arriérés dus par l’État à quatre ans, quelle que soit leur durée. Sur cette base, le secrétariat d’État aux Anciens Combattants a procédé au calcul des rappels. Pour un ancien combattant sénégalais, par exemple, le taux d’augmentation de la pension a été arbitrairement fixé à 20 %. Comme il touche une retraite de 57 850 F CFA (88,19 euros) tous les six mois, le total des arriérés qui lui sera payé s’élèvera à environ 104 000 F CFA (soit 57 850 F CFA x 20 % x 8 semestres). Une misère au regard du coût de la vie dans son pays, pourtant invoqué par les autorités françaises pour continuer de verser aux Africains des pensions au rabais, en violation des décisions de justice.
Quoi qu’il en soit, aucun arriéré n’a encore été versé à des allocataires très âgés qui continuent de se débattre dans la misère. Ils n’abandonnent pas pour autant, soutenus dans leur combat par leurs frères d’armes français. Le 1er juin, à Rennes, à l’occasion du congrès de l’Union nationale des combattants de France (UNC-France), Hugues Dalleau, qui préside cette association, a interpellé le secrétaire d’État aux Anciens Combattants sur l’état d’avancement de la décristallisation. Hamlaoui Mékachéra a répondu que le dossier était examiné par le ministère du Budget et que le paiement débuterait avant la fin du mois de juin.
Les vétérans attendent toujours. Et la mobilisation se poursuit. Les anciens combattants se félicitent de l’implication des chefs d’État africains dans le dossier. Ainsi le président sénégalais Abdoulaye Wade a-t-il reçu Hamlaoui Mékachéra lors de sa visite à Dakar en décembre 2002, lui exprimant son souhait d’une plus grande concertation des autorités françaises avec les anciens combattants africains. De Dakar à Abidjan, de Bamako à Conakry, les anciens de la Coloniale ont applaudi la réflexion faite à Alger par le président algérien Abdelaziz Bouteflika à Hamlaoui Mékachéra. Accompagnant le président français Jacques Chirac lors de sa visite d’État du 2 au 4 mars dernier, le secrétaire d’Etat français aurait été apostrophé par le leader algérien : « Je ne suis pas d’accord avec vous. Vous ne pouvez pas dire que payer les Africains comme les Français crée une injustice au détriment de ces derniers. »
Par-delà les soutiens politiques, les anciens combattants continuent à miser sur le droit. « Nous allons profiter du moment où le décret d’application passera devant le Conseil d’État pour lui opposer nos réserves. Cette juridiction y sera d’autant plus attentive qu’elle nous avait donné raison », déclare Alioune Kamara, directeur de l’Office national des anciens combattants du Sénégal.

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