Préparatifs d’exil

Depuis plusieurs semaines, le chef de l’État nigérian ne ménage aucun effort pour permettre à son homologue Charles Taylor de quitter le pouvoir.

Publié le 21 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Comment organiser, matériellement, le transfert de Charles Taylor de Monrovia au Nigeria ? Le président nigérian Olusegun Obasanjo s’attelle depuis plusieurs semaines à mettre au point une opération lourde, rendue plus complexe par les multiples conditions posées par le président libérien. Fidèle à sa réputation d’entêté, celui-ci refuse un départ dans des conditions qui ressemblent à une fuite ou à une défaite militaire. Il n’entend pas quitter le pouvoir avant le 2 août prochain, terme constitutionnel de son mandat (il a été investi le 2 août 1997 pour un mandat de six ans). Le même jour, ou dans les tout prochains qui suivent, il embarquera pour Abuja à bord d’un avion affrété par le gouvernement nigérian. L’aéronef sera fourni par une compagnie aérienne locale dont le nom est tenu secret pour des raisons de sécurité. Tout comme l’endroit où sera logé l’encombrant hôte dans son pays d’accueil.
Taylor exige de ne quitter son palais qu’une fois la situation redevenue calme à Monrovia et dans ses faubourgs. Un contingent militaire ouest-africain composé de 750 Nigérians, 250 Maliens et 250 Ghanéens va se déployer dans la capitale libérienne à la fin juillet au plus tard. Mission de cette force : sécuriser la ville et ses environs. Elle ne tardera pas à être renforcée par d’autres éléments ouest-africains (pour atteindre un effectif de 1 500 hommes), mais aussi par un groupe parallèle de 500 à 2000 hommes provenant du Commandement européen des forces américaines basé à Stuttgart (Allemagne) et officiellement chargé de veiller sur les biens et les citoyens des États-Unis.
Pour éviter toute fausse note de nature à compromettre l’opération de transfert, Olusegun Obasanjo a atterri à Conakry pour quelques heures, le 13 juillet, afin de s’entendre avec le président guinéen Lansana Conté sur les dispositions à prendre pour faciliter la tâche du contingent ouest-africain. Sans fioriture, le chef de l’État nigérian est allé droit au but avec son homologue. Il faut que le pouvoir guinéen veille à ce que les rebelles du Lurd (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie, soutenus et équipés par Conakry) respectent scrupuleusement le cessez-le-feu signé le 17 juin à Akosombo (Ghana). Aucune attaque ni le moindre acte de provocation ne sera toléré à l’encontre de la force internationale. Autre exigence formulée par le numéro un nigérian : Sekou Damate Conneh, leader du Lurd, ne foulera le sol libérien qu’une fois Taylor parti. Il devra donc patienter à Conakry, dans la résidence d’État qu’il occupe sur la corniche de Dixinn. Obasanjo n’a pas dû rencontrer de résistance de la part d’un interlocuteur de nouveau très mal en point qui, faute de pouvoir se déplacer, a dépêché son ministre de l’Administration du territoire, Moussa Solano, pour l’accueillir à l’aéroport.
Taylor ne partira pas sans transmettre régulièrement le pouvoir, et en toute solennité. Le vice-président, Moses Blah, qui devrait lui succéder, ne le rassure plus depuis le grave incident qui les a opposés. Le président a brusquement limogé son collaborateur, le 5 juin, l’accusant de fomenter un coup d’État, avant de se raviser et de l’innocenter. L’affaire ayant laissé des séquelles, Taylor insiste pour que le pouvoir échoie au président de la Chambre des représentants, Nyudueh Morkonmana, un homme avec qui il a toujours été en bons termes.
Blah ou Morkonmana, le successeur dirigera une transition en deux étapes : une première d’août à octobre 2003, et une seconde qui s’ouvrira avec la mise en place d’un gouvernement d’union nationale dirigé par « un technocrate neutre » et regroupant les forces rebelles, les partis politiques et les acteurs de la société civile.
Reste la question qui préoccupe les défenseurs des droits de l’homme : Taylor, sera-t-il remis pour jugement au Tribunal spécial des Nations unies pour la Sierra Leone qui l’a inculpé pour complicité de crime contre l’humanité et a lancé un mandat d’arrêt international contre lui ? Si le procureur de cette juridiction déclare continuer à le poursuivre, il n’est pas sûr de l’avoir un jour sur le banc des accusés. Taylor n’a accepté l’exil que moyennant la promesse ferme de ses homologues nigérian et ghanéen qu’il ne sera pas jugé. Avant de consentir à le recevoir, Obasanjo a exigé des assurances (du tribunal et des États-Unis notamment) de ne pas subir de pressions pour le livrer à la justice.

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