Pour un G9 avec la Chine

Publié le 21 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

L’aspect le plus troublant du sommet du G8 qui s’est tenu du 1er au 3 juin à Évian, en France, était l’absence du pays qui pourrait bien dominer ce XXIe siècle : la Chine. Même si on calcule le Produit intérieur brut (PIB) de cette dernière en utilisant son taux de change officiel sous-évalué, son poids économique est de loin plus important que celui de certains pays du G8 comme le Canada ou l’Italie, et représente près de trois fois celui de la Russie. Et au taux de change de parité de pouvoir d’achat, l’économie chinoise est déjà sans conteste la deuxième au monde, après celle des États-Unis.

Différentes objections peuvent être soulevées à l’encontre de l’entrée de la Chine dans le club des grands du monde. La première est que le sommet du G8 est une réunion des nations industrialisées, et la Chine n’en est pas une. Il est vrai qu’elle compte plus de paysans que tout autre pays de la planète. Mais elle exporte plus de produits manufacturés que le Canada, l’Italie ou la Russie. Elle se prépare à lancer un programme spatial pour envoyer un homme sur la lune. Elle dispose de biotechnologies avancées. Et, alors que son industrialisation en est encore à ses débuts, le monde devrait déjà s’inquiéter de ses conséquences : si les Chinois viennent à utiliser autant d’énergie par habitant que les Américains aujourd’hui, leur consommation sera supérieure à toute l’énergie actuellement produite dans le monde. Deuxième objection : la Chine n’est pas une démocratie, mais une dictature communiste dirigée par des voyous. J’étais sur la place Tiananmen quand l’armée a ouvert le feu sur les manifestants en 1989, et l’image de tout ce sang versé ne s’effacera jamais de ma mémoire. Aujourd’hui, la Chine n’est plus communiste mais fasciste, au sens où elle est une dictature nationaliste de parti unique contrôlant une économie de marché. La question importante n’est pas de savoir si certains dirigeants chinois sont des voyous, mais si ce sont des voyous avec lesquels on peut travailler. C’est tout à fait le cas.
Troisième argument contre l’entrée de la Chine dans un G9 : la Chine est une puissance irresponsable avec laquelle il est impossible de faire équipe. Il est vrai que la mauvaise gestion, par la Chine, du syndrome respiratoire aigu, par exemple, a permis à la maladie de se répandre à travers le monde. C’est vrai qu’elle a souvent triché sur les accords et jeté en prison les opposants. Mais la Chine est devenue plus responsable au fil des années sur les questions allant de la régulation du commerce international à la lutte contre le terrorisme. Ces derniers mois, elle a montré de réelles qualités de leadership dans la recherche d’une solution à la crise nord-coréenne.
Il y a des risques réels que les États-Unis et la Chine deviennent des ennemis. L’étincelle peut venir de plusieurs dossiers – Taiwan, les îles Senkaku, la mer de Chine du Sud -, mais les tensions seront apaisées si l’Amérique offre à la Chine la possibilité de jouer un rôle majeur sur la scène mondiale. Certains analystes ont prédit que l’épidémie du sras sera, pour la Chine, ce que fut Tchernobyl pour l’Union soviétique : la fissure qui finit par provoquer l’effondrement de toute la façade. J’en doute. Les réformateurs chinois réclament depuis longtemps une presse plus libre, mais le parti demeure, par instinct, répressif. Le journaliste chinois Xu Wei a été récemment condamné à dix ans de prison, juste parce qu’il parlait de politique avec ses amis. Il a confié avoir été battu. Quant au photographe sud-coréen Seok Jae-hyun, il a été condamné à deux ans de prison pour avoir pris des photos de Nord-Coréens fuyant leur pays en passant par la Chine.

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Non, Hu Jintao n’est pas Gorbatchev. Il est plus proche d’un Franco, d’un Pinochet ou d’un Park (ancien président de la Corée du Sud). Et la Chine qu’il dirige suivra les pas de l’Espagne, du Chili et de la Corée du Sud, en renforçant la classe moyenne éduquée qui poussera à la démocratisation du pays. D’ici là, on ne peut exclure la Chine des affaires internationales importantes.

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