Patrick Mazimhaka

Vice-président de l’Union africaine

Publié le 21 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Patrick Mazimhaka est l’un des hommes de confiance du président rwandais Paul Kagamé. Ce Tutsi de 54 ans a commencé sa carrière comme géologue, au Canada puis en Ouganda. Mais depuis l’arrivée au pouvoir du Front patriotique rwandais (FPR) en 1994, il est l’un des conseillers les plus écoutés du régime. Plusieurs fois ministre, il est devenu l’an dernier le chef de la délégation rwandaise à toutes les négociations de paix sur les Grands Lacs. Le visage est rond et souriant, mais la parole concise et l’esprit carré.

JEUNE AFRIQUE/L’INTELLIGENT : Quelles sont vos priorités à la vice-présidence de la Commission de l’Union africaine ?
PATRICK MAZIMHAKA : Ma première priorité est de faire signer et ratifier par les pays membres les traités et les conventions de l’UA. Sur quelque trente-cinq textes, seulement une douzaine ont été ratifiés. Une misère. D’ici à deux ans, il faut que la moitié de ces documents soient validés. Et si des États membres ne veulent pas le faire pour tel ou tel texte, il faut qu’ils disent pourquoi. Ma seconde priorité est de mettre en place les institutions de l’UA. J’espère que le Conseil de paix et de sécurité ainsi que le Parlement verront le jour dans deux ans au plus tard.
J.A.I. : Le futur Conseil de paix et de sécurité aura-t-il un droit d’ingérence dans les affaires intérieures d’un État ?
P.M. : C’est la question qui freine la ratification du traité constitutif de ce Conseil. Il faut rassurer les chefs d’État. Toute décision de l’Union africaine sera prise par consensus. Donc les pays en crise seront associés à tous les débats précédant une intervention de l’UA. Il n’y aura pas d’ingérence agressive.
J.A.I. : Peut-on imaginer une intervention armée de l’UA dans un pays contre l’avis du chef de l’État concerné ?
P.M. : S’il y a massacre ou génocide, oui. L’Union africaine interviendra sans hésitation. Ce principe est inscrit dans la Charte de l’UA. Depuis le génocide rwandais de 1994, les esprits ont évolué. Aucun chef d’État n’a le droit de massacrer son peuple.
J.A.I. : Si le Rwanda, votre pays, envahit de nouveau la République démocratique du Congo (RDC), ne risque-t-il pas de se retrouver sur la sellette devant le futur Conseil de paix et de sécurité ?
P.M. : C’est justement pour éviter de nouveaux conflits armés que va être créé ce Conseil. Il sera saisi des litiges entre pays et s’efforcera de les résoudre pacifiquement. Par ailleurs, la paix a été signée dans les Grands Lacs. Je pense donc que le Rwanda et la RDC n’ont plus aucune raison de se faire la guerre.
J.A.I. : L’Union africaine aura-t-elle un bras armé ?
P.M. : Par la force des choses, oui. L’UA doit avoir une armée prête à intervenir. C’est dans la logique d’un Conseil de paix et de sécurité. Je crois que nous devons nous inspirer du modèle de l’Afrique de l’Ouest où les unités militaires de différents pays sont mises à la disposition de la Cedeao en cas d’urgence.
J.A.I. : Que pensez-vous des interventions militaires françaises et britanniques sur le continent ?
P.M. : Il n’y en aurait pas si nous, les Africains, nous avions nos propres forces. Si dans cinq ans les Européens ne sont pas remplacés par une force africaine, l’UA aura échoué. En attendant, j’approuve ces interventions européennes. À Bunia, en RDC, le Rwanda s’est opposé à une opération exclusivement française à cause des mauvais souvenirs de 1994, mais mon pays approuve l’intervention actuelle sous sa forme multinationale. Il faut sauver la population d’un massacre.
J.A.I. : Préférez-vous la Libye ou l’Afrique du Sud pour accueillir le siège du futur Parlement africain ?
P.M. : Pour éviter toute compétition, je préfère Addis-Abeba. C’est là que les prochains sommets de l’UA se tiendront une année sur deux. C’est une solution neutre.
J.A.I. : Vous n’avez été élu qu’après quatre tours de scrutin. Le fait d’être rwandais est-il un handicap à l’UA ?
P.M. : Non. Au contraire, je crois que le président Kagamé a été désigné premier vice-président de l’Union africaine et que j’ai été moi-même élu parce que le Rwanda inspire confiance. Nous avons promis de retirer nos troupes du Congo et nous l’avons fait. Nous avons promis de faire la paix et nous avons signé les accords de Lusaka et de Pretoria. Nos amis africains savent aujourd’hui que nous sommes des hommes de parole.

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