Au nom du seigneur

Les affrontements entre l’armée régulière et une guérilla fanatique ensanglantent le nord du pays. Une ONG tire la sonnette d’alarme.

Publié le 21 juillet 2003 Lecture : 2 minutes.

Fou furieux ? Dangereux illuminé ? Joseph Kony poursuit depuis dix-sept ans sa guerre sanglante contre le gouvernement de Kampala. Aux dépens des civils et, surtout, des enfants de la région acholie (nord de l’Ouganda).
Rendu public le 15 juillet 2003, un rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW, basée à New York) intitulé « Enlèvements et abus : recrudescence des hostilités dans le nord de l’Ouganda » (www.hrw.org) stigmatise la multiplication des enlèvements d’enfants, tortures, mutilations, assassinats et autres viols dus aux affrontements entre l’armée régulière ougandaise et l’Armée de libération du Seigneur (ALS).
Selon le rapport de HRW, depuis juin 2002, 8 400 enfants ont été enlevés, un niveau inégalé en dix-sept ans de conflit. La peur des incursions de l’ALS a conduit 20 000 gamins à se réfugier, durant la nuit, dans les villes plus sûres de Gulu et Kitgum (voir p. 71). Où ils dorment sous les porches, dans les églises où les hôpitaux locaux et rentrent chez eux au petit matin.
D’une manière générale, le recrutement forcé de mineurs s’est accru depuis l’offensive de l’Uganda People’s Defence Force (UPDF), et l’ALS s’en est prise de plus en plus souvent aux civils, aux chefs religieux et aux réfugiés vivant dans les camps des trois districts concernés. Environ 800 000 Ougandais seraient régulièrement déplacés au gré des attaques de l’ALS et des ordres de l’UPDF.
En outre, le rapport d’HRW souligne que les forces régulières ougandaises se livrent à des exactions du même ordre : recrutement de mineurs, viols, tortures, détentions arbitraires de civils qui, suspectés de terrorisme ou de trahison, peuvent être emprisonnés durant 360 jours. Pendant ce temps, Kony court toujours. Et Museveni milite pour pouvoir accomplir un troisième mandat…
Les faits ne datent pas d’hier. Depuis son arrivée au pouvoir en 1986, le président ougandais Yoweri Museveni mène une guerre sans merci contre une rébellion religieuse qui compte parmi les plus fanatiques du continent. En 1988, l’UPDF défaisait l’armée de va-nu-pieds endoctrinés par Alice Lakwena à Jinja, non loin de la capitale. Une victoire sans grand mérite, puisque les fidèles de la prêtresse vaudoue n’étaient armés que de bâtons, de pierres, de talismans et de quelques kalachnikovs, se croyant protégés par le beurre de karité dont ils s’enduisaient le corps.
Après la défaite et la fuite d’Alice, la rébellion n’est pas morte. Au contraire. En 1989, alors âgé de 25 ans, le neveu d’Alice Lakwena, Joseph Kony, a pris la tête de « l’opposition acholie » au régime de Museveni, et créé l’Armée de libération du Seigneur (ALS). Melting-pot irrationnel de croyances chrétiennes, musulmanes et animistes, le mouvement de Kony s’est de multiples fois réfugié au Soudan – où il était ravitaillé en armes – et n’a cessé d’enlever des enfants dans le but de les endoctriner, soumettant les récalcitrants à la torture. En mars 2002, le gouvernement de Museveni a décidé d’en finir – les négociations ne débouchant sur rien – et lancé l’opération « Iron Fist » contre les positions mouvantes de l’ALS, en accord avec Khartoum pour pénétrer en territoire soudanais. C’est à ce moment que les choses ont commencé à empirer.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires