Marc-Vivien Foé : naissance d’une légende

Comme nombre de nos lecteurs, l’écrivain d’art Nicolas Bissek rend un hommage appuyé au footballeur camerounais disparu le 26 juin.

Publié le 21 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Une mort en direct devant des millions de téléspectateurs transis, un stade Marc-Vivien-Foé à Lyon à l’initiative du maire Gérard Colomb, un trophée Marc-Vivien-Foé créé par la Fifa, un complexe sportif Marc-Vivien-Foé en construction à la périphérie de Yaoundé, des matchs de charité et une Fondation Marc-Vivien-Foé à Manchester au profit de la veuve et des enfants, une presse internationale unanime, le monde entier en émoi, un Cameroun prostré et inconsolable, une messe solennelle à Lyon concélébrée par l’archevêque de la ville Mgr Philippe Barbarin, deux évêques et douze prêtres, et des interrogations insolubles : voilà planté le décor d’une légende inédite en Afrique qui ne manquera pas d’enfler au fil des décennies. L’émotion suscitée par le départ subit de ce prince du ballon rond n’a d’égale que celle générée par la mort de lady Diana Spencer, princesse de Galles, autre figure emblématique de l’humanitaire, trop tôt disparue en août 1998.

Nous assistons aujourd’hui au final spectaculaire d’un personnage parti de rien, qui s’est inventé tout à trac un destin d’exception. Ce gaillard de 28 ans, 1,94 m et 90 kg dont la sagesse du terroir et la sympathie éclatante, le charme et la générosité débordante, l’agilité et le talent au gazon, valent bien des doctorats, laisse un souvenir à la fois édifiant et attachant. Le flot nourri de badauds en pleurs dans un quartier quadrillé par les forces de l’ordre à Lyon le jour de la messe solennelle l’atteste. De Garoua à Yaoundé, au Cameroun, il est de toutes les campagnes et aligne les trophées scolaires et nationaux. De Lens à Lyon, en France, et de West Ham à Manchester, en Angleterre, il accumule les titres.

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« L’homme n’a pas de port, le temps n’a point de rives, il coule et nous passons », écrit très opportunément Lamartine. Mais, tout de même, mourir si jeune avec une mise en scène aussi éloquente interpelle, invite à l’introspection, au questionnement. Son épouse, Marie-Louise avoue qu’il n’était pas en forme, et la cousine Diana confie qu’après avoir suivi les deux matchs contre le Brésil et la Turquie, elle a dit à son frère que l’heure de la retraite était peut-être proche, tant les performances lui ont paru médiocres. Quelque temps avant la chute, Marco indique d’un geste convenu son désir de quitter le terrain. Pourquoi n’a-t-il pas été promptement remplacé ? La cadence des compétitions n’est-elle pas démesurée ? De manière générale, les conditions de préparation de nos joueurs sont-elles optimales ? On a encore à l’esprit l’expérience malheureuse du Japon où nos footballeurs étaient hébergés à deux heures du théâtre des opérations, après un voyage à rebondissements et avec deux jours de retard sur la date d’arrivée prévue…

On ne peut faire l’économie d’une remise en question des méthodes cavalières et de certaines dérives. Car ces talents consacrés qui, pour la plupart, ont fait leurs premières armes sur les terrains de fortune de nos bidonvilles, pieds nus, portent pourtant admirablement aux nues les couleurs de notre Afrique déliquescente. Ils ont un mérite immense à réussir avec tant de panache et méritent considération, reconnaissance et attention. De mémoire d’homme, jamais il n’y eut tant d’émotion partagée, tant d’élans de sympathie pour un Africain défunt. Toutes proportions gardées, ni le président Houphouët-Boigny, ni le président Senghor n’y ont eu droit.

Patriote convaincu, chrétien fervent, Marco avait quitté les collines boisées du pays beti pour prendre racine sur les plaines arborées bassas. De l’union avec Marie-Louise Ngo Biyi sont nés Scott (8 ans), Lesley (6 ans) et Angela (2 mois), trois rejetons qui, comble de malheur, ne sauront jamais :
Qu’il y avait un jardin qu’on appelait Vivien.
D’odorantes pensées inondaient ses allées,
L’hirondelle exténuée venait s’y reposer,
S’abreuver sans détours au ruisseau de l’amour.

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