Heureuse fortune

Publié le 21 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Genève n’est plus ce qu’elle était. Lieu de villégiature, temple de la finance, havre de paix, la capitale de la Suisse romande change sous la pression de ses voisins européens. Résultat : le sacro-saint secret bancaire, pilier du système financier helvétique, a du plomb dans l’aile. Lutte contre le terrorisme oblige, il ne s’applique déjà plus aux citoyens américains réfugiés sur les rives du lac Léman. Et ce n’est pas tout.
Voilà que la loi oblige désormais les établissements financiers à recruter un « déontologue », dont la fonction est de veiller scrupuleusement au respect des règles éthiques. Voilà aussi que la Suisse participe à l’entraide internationale en matière pénale. Sous conditions, évidemment (le champ de la coopération exclut notamment l’évasion fiscale, qui n’est pas un crime dans la Confédération), mais elle le fait malgré tout. Tout cela pour une raison essentielle : la place a terriblement souffert de l’image qui lui est parfois accolée, celle d’une terre d’asile pour blanchisseurs de capitaux. Les affaires Elf, Abacha, et tant d’autres, ont terni l’image très lisse de Genève et de ses voisines, Lugano, Bâle et Zurich.

Il n’est donc plus question d’y ouvrir un compte anonyme ou même de recourir à un prête-nom dans l’espoir de tromper les autorités bancaires sur l’identité du véritable bénéficiaire. Les établissements veillent au grain, tenus de demander avec insistance à tout nouveau client l’origine des fonds déposés, et incités à écarter toute sollicitation émanant de casinos, de marchands d’armes, de bureaux de change ou de personnes occupant des fonctions officielles… Une douloureuse évolution, qu’un banquier genevois résume par cet amer constat : « Il est désormais impossible d’être un client anonyme en Suisse. »
Alors, que reste-t-il à Genève ? La douceur de vivre, certes. La tranquillité, également. Mais aussi une longue expérience de la démocratie et un niveau de vie qui en font l’une des villes les plus riches du monde. La cité concentre ainsi 40 % de l’activité de gestion de fortune du pays. En d’autres termes, les coffres-forts genevois abritent 14 % de la fortune transnationale mondiale, soit la bagatelle de 1 480 milliards de francs suisses (environ 955 milliards d’euros). Ensuite, le secret bancaire, bien que mis à mal, reste toujours mieux protégé à Genève que dans l’ensemble des autres capitales européennes. Tout d’abord parce qu’il est inscrit dans la Constitution. Mais aussi parce qu’il est le fruit d’une solide tradition de respect de la sphère privée. Et puis, avoue-t-on sur la rive gauche du lac Léman (celle des banques), un client dispose en Suisse de deux voies de recours pour surseoir à une demande d’informations provenant d’un juge étranger : une voie fédérale et une autre cantonale. De quoi faire traîner en longueur la procédure.

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Enfin, et n’est-ce pas là le plus important, Genève s’est fait une spécialité de la gestion de fortune : planification successorale, gestion alternative, approche familiale. « Les banquiers du monde entier sont attirés par la Suisse, non seulement parce que la Confédération est une référence de l’histoire de notre profession, mais aussi du fait de la qualité reconnue de ses services et du prestige de ses institutions financières », soulignait mi-juin Mahmud al-Hadi Hammuda, le directeur général de la Banque commerciale du Burkina. Avec une trentaine de ses confrères d’Afrique francophone, il était alors l’invité de la banque HSBC République de Genève. L’occasion de s’initier à quelques-unes des recettes de la gestion privée. Et de découvrir une ville qui a donné à l’Europe quelques-uns de ses plus prestigieux argentiers : Jacques Necker, ministre des Finances de Louis XVI, Albert Gallatin, premier secrétaire au Trésor des États-Unis, Georges Prévost, gouverneur général du Canada ou Pierre Isaac Thellusson, directeur de la Banque d’Angleterre.

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