Fusion 22/07/2003, Quelle déception, B.B.Y. !

Publié le 21 juillet 2003 Lecture : 6 minutes.

Quelle déception, B.B.Y. !
On n’en revient pas, cher B.B.Y. : dans votre « Ce que je crois » de J.A.I. n° 2213, vous félicitiez la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) pour avoir reconnu le régime militaire qui s’est installé au pouvoir à Bangui (RCA), à la faveur du putsch du 15 mars 2003.
Décidément, vous ne cessez de nous étonner ces temps-ci par vos prises de position inattendues sur des sujets brûlants d’actualité qui auraient pourtant, de par leur gravité, mérité la rigueur d’analyse que nous vous connaissons. Vous avez tort d’affirmer que « l’illégal peut fort bien se légitimer par ses actes ». Car, en quarante ans de vie politique postcoloniale, les pays africains n’ont majoritairement connu qu’une succession de coups d’État militaires qui, vous le savez bien, ont été largement responsables du marasme socio-économique que connaît actuellement le continent. Où les prises du pouvoir par l’armée ont-elles fait leurs preuves en matière d’amélioration du sort des populations ?
Les régimes issus des urnes, c’est indéniable, ne sont pas à l’abri des dérapages. Critiquez-les comme vous l’avez toujours fait, à notre admiration, pour les inciter à jouer pleinement le jeu démocratique. Mais, de grâce, que d’éventuelles dérives ne vous inspirent pas des écrits qui, précisément parce qu’ils viennent de vous, risqueraient d’être assimilés à un encouragement aux coups de force. Avec toutes leurs imperfections, les régimes démocratiquement élus demeurent l’unique espoir pour les peuples d’Afrique de sortir leur continent de l’ornière. Une réflexion objective sur le problème devrait plutôt nous conduire à dénoncer les bailleurs de fonds qui, très souvent à dessein, rechignent à apporter l’indispensable aide financière d’urgence aux efforts de démocratisation en Afrique, provoquant ainsi délibérément des problèmes sociaux qui mettent en difficulté des gouvernements autrement patriotiques. Tel a été, en l’occurrence, le triste sort du régime centrafricain renversé.

Haro sur les coups d’État
Suite à l’éditorial « Ce que je crois » de J.A.I. n° 2213, j’ai été frustré par les prises de position de Béchir Ben Yahmed, qui lançait un bravo à la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Si l’Union Africaine refuse de reconnaître en son sein des présidents qui viendraient au pouvoir par un autre moyen que celui des urnes, je crois que c’est d’abord pour conduire les Africains à une culture démocratique.
Un chef d’État ne peut satisfaire à 100 % son opinion. Si, à chaque fois qu’une partie de l’opinion est mécontente, elle décide de se faire entendre par les armes, combien de présidents devrait-on changer en cinq ans dans un pays ?
Vous définissez une nouvelle donne politique selon laquelle « le légal peut, par ses fautes, cesser d’être légitime, et qu’à l’inverse l’illégal peut fort bien se légitimer par ses actes », ce qui veut dire : légitimons les coups d’État et mettons de côté les urnes, car seuls les coups de force peuvent nous permettre de changer à toute heure un dirigeant qui ne nous satisfait plus. C’est la conclusion qui ressort de votre éditorial.

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Pas d’impunité pour Taylor
La décision de l’administration Bush de conditionner l’envoi de troupes de maintien de la paix au départ de Taylor est salutaire pour les pauvres populations du Liberia qui n’ont que trop souffert de onze années de guerre civile avec son cortège de mutilations et autres traumatismes. Mais cette mesure ne doit en aucun cas permettre au pyromane du Liberia (il a embrasé toute la sous-région) de se soustraire à la justice internationale. La justice doit suivre son cours dans cette affaire afin qu’elle serve de leçon à tous les autres et Dieu seul sait combien ils sont nombreux sur le continent.

Droit de réponse
Le journaliste réagit à un article paru dans le « Plus » consacré au quotidien français Le Monde (J.A.I. n° 2214).
Dans votre numéro daté du 15-21 juin, sous le titre « Le coup de pied de l’âne », M. Jacques Bertoin commente la parution de Ma part du « Monde » en des termes qui confirment à merveille ce qu’il écrit d’emblée à mon encontre : « Il est des réquisitoires qui ont pour première conséquence d’innocenter l’accusé qu’ils sont censés faire « plonger », tant ils donnent une image négative du procureur qui les prononce… » Je me bornerais à lui retourner ce jugement si l’expression de sa critique restait dans les limites du genre littéraire. Mais M. Bertoin, criant haro sur le baudet, n’assassine pas mon livre, il se livre, contre son auteur, à une attaque ad hominem dont la violence ne repose sur aucun argument. Je connais bien ce procédé de mauvaise foi pour l’avoir souvent rencontré sur ma route, au cours de mes quarante ans de journalisme – dont vingt-cinq passés au service du Monde -, dans mes controverses avec les sectaires de tous acabits : quand on est dans l’impossibilité de réfuter un propos, on cherche à discréditer celui qui le tient… Il s’agit là d’un procédé archaïque. Il ne trompera pas les lecteurs de Jeune Afrique qui ont eu l’occasion de me juger sur mes écrits. M. Bertoin ayant la réputation d’être « l’homme de la culture de l’écrit par excellence » (Le Monde du 6 juin), je ne trouve qu’une seule explication à la profonde ignorance sous-tendant son résumé expéditif de ma contribution à la vie du Monde, réduite sous sa plume, aux agissements d’un « grouillot sans scrupules » : lisant Le Monde « d’abord pour ses grilles de mots croisés », selon son propre aveu (en page 66 de votre dossier), M. Bertoin, à mon sujet, s’est sûrement trompé de case. S’il avait relu Jean de La Fontaine plus attentivement, il aurait appris que le plus âne n’est pas toujours « celui qu’on pense »…

Gare à la récupération politique
Le meilleur hommage que les autorités camerounaises pourraient rendre à Marc-Vivien Foé consisterait à développer le football, symbole d’unité nationale et de vitalité de la jeunesse. Toute autre sollicitude relèverait de la récupération politique d’une certaine élite nationale et de l’oligarchie footbalistique mondiale. Elle risquerait par ailleurs de modifier les repères sociaux au Cameroun. Quel sort a été réservé aux autres illustres Camerounais disparus, notamment l’ancien chef de l’État Amadou Ahidjo ou récemment des éminents professeurs d’université ou le délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine d’Edéa ?

Ne comptez pas sur les États-Unis
Les Libériens, victimes de la guerre civile, demandent aux Américains de venir à leur secours. Les Libériens doivent se souvenir que ce sont leurs frères ouestafricains, et non les Américains, qui sont intervenus pour les sauver lorsque leur actuel président était encore dans le maquis. Ils doivent être non seulement reconnaissants, mais aussi pragmatiques. Ils doivent donc diriger leur appel au secours à Abuja, siège de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au lieu de se tourner vers Washington. Les habitants de Monrovia doivent aussi se rappeler que leurs forêts de caoutchouc ne valent pas les puits de pétrole de l’Irak. Ils ne doivent pas s’attendre à ce que les États-Unis envoient un contingent militaire pouvant maintenir la paix et s’engager sur la durée.

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RDC : une formule rocambolesque
Le dialogue intercongolais était censé créer un nouvel ordre politique. Il s’achève par l’adoption de la Constitution de transition. Mais on n’a pas trouvé de solution durable à la crise de légitimation de l’État et du pouvoir, ni à celle de la représentation des différents courants politiques. Le vide idéologique a été flagrant. Le dialogue intercongolais n’a été qu’une bataille d’hommes. La Constitution qui en est issue – imposée par une communauté internationale impuissante et hypocrite – a adopté une formule inédite : « 1+4 », un président et quatre vice-présidents. À cette formule « magique » s’ajoute une répartition rocambolesque des trente-cinq portefeuilles de ministres et des vingt-cinq postes de vice-ministres. Du jamais vu !

Va MVF !
Je viens comme certainement beaucoup d’autres apporter mon témoignage à Marc-Vivien Foé. On l’a dit et redit, c’était un homme remarquable, joueur inconditionnel qui faisait bien son métier. Vous aurez noté que MVF n’ a jamais fait de commentaires, ni à propos des primes non payées, ni de l’incompétence des dirigeants, ni de la partialité des arbitres, toutes raisons que beaucoup évoquent pour remettre en question leur présence dans les équipes nationales ou pour expliquer des défaites.
Va MVF, ton numéro 17 restera à jamais dans la mémoire de tous les fans des clubs par lesquels tu es passé.

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