Comment on réinvente les fruits

Melon miniaturisé, poivron orange, framboises dorées… Des produits aux formes ou aux couleurs nouvelles apparaissent régulièrement sur le marché.

Publié le 21 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Yuma, désert de l’Arizona. Des plants de pastèques s’étendent à perte de vue. Nous sommes au coeur du centre de recherche de Syngenta, multinationale spécialisée dans l’agroalimentaire. Après les pastèques sans pépins, voici les pastèques miniatures, pas plus grosses qu’un melon, dont seule la peau prouve l’identité. « Regardez-moi ce bébé », s’attendrit Chris Grallert, responsable de production chez Syngenta. S’emparant d’un fruit, il poursuit : « Le bon calibre, la courbe parfaite, mais voyons ce que l’intérieur nous réserve. » Grallert l’ouvre d’un bref coup de couteau et en débite quelques morceaux juteux. « Voyez-vous une différence avec la pastèque traditionnelle ? » demande-t-il dans un large sourire.
Pas un pépin, 2 kg de sphère parfaite, le fruit, breveté par Syngenta sous le nom de Coeur pur, est déjà en vente dans une trentaine d’États américains. Coeur pur devra affronter d’ici à la fin de l’été son rival Bambino, autre prototype de minipastèque produit par Seminis, le leader mondial des fruits et légumes. Le produit concurrent arrivera sous peu dans les rayonnages des supermarchés américains. Ces merveilles végétales ne doivent rien aux manipulations génétiques : les chercheurs se sont contentés de croiser différentes variétés de fruits. Grâce à cette technique, on trouve depuis longtemps sur le marché des pastèques sans pépins, mais aussi du poivron orange et des framboises dorées, provenant, il est vrai, plus des laboratoires des grandes firmes que des jardins maraîchers d’antan. Dans la famille des fruits « réinventés », figurent aussi les melons miniaturisés et, le fin du fin, les pastèques carrées ! Créées par les Japonais, elles sont obtenues par simple maturation dans des bocaux cubiques.
Ces fruits sont vendus 80 dollars la pièce au Japon. La pastèque traditionnelle, qui pèse entre 8 et 9 kg, est vendue entre 3 et 6 dollars aux États-Unis. À 250 kilomètres à l’ouest de Yuma, près de San Diego, dans les terres de Syngenta, des clients n’hésitent pas à payer 4 dollars un fruit pesant 2 kg. « Ces nouveaux produits partent comme des petits pains », indique un directeur de supermarché. La prime à la miniaturisation, sans commune mesure avec celle des fruits seulement épépinés, laisse entrevoir des montagnes de profits à Syngenta. « Les aliments brevetables sont le Graal de l’industrie agroalimentaire », explique le spécialiste William Leach.
Syngenta compte bien ne pas s’arrêter en si bon chemin et entend poursuivre sur la voie des fruits et légumes brevetés. Ils seront toujours plus doux, plus petits et plus fermes. Et le goût ? Toujours meilleur à en croire les sorciers de l’agrobusiness. Dans cette ruée vers l’or vert, toutes les méthodes seront bonnes, y compris les manipulations génétiques. Syngenta devrait bientôt sortir de son chapeau des carottes rouges, violettes et jaunes. De récents sondages montrent que les consommateurs seraient ravis de voir naître un melon miniature plus facile à entreposer. « Nous allons créer une nouvelle génération de fruits et de légumes. Leurs qualités gustatives seront améliorées et leur durée de vie à l’étalage augmentée », s’enflamme John Sorenson, directeur de la filiale nord-américaine de Syngeta.
Syngenta et Seminis ont déjà ouvert les hostilités sur l’air de « ma minipastèque est meilleure que la tienne ». Les deux groupes sont d’accord sur un point : les fruits et légumes seront au coeur de la prochaine bataille que se livreront les seigneurs de la guerre alimentaire. Les rois du business vert affirment n’être mus que par le bien-être de leur prochain : « Plongés dans un monde agité, les gens n’aspirent qu’à la simplicité. » Vive les bonsaïs !

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