Côte d’Ivoire : une manifestation pour la paix avant la présidentielle
Près de trois mille étrangers et Ivoiriens se sont rassemblés samedi à Gagnoa (centre-sud) où vivent beaucoup de Ouest-Africains, pour un meeting « pour la paix », à un an de l’élection présidentielle qui s’annonce tendue 10 ans après la crise post-électorale qui avait fait 3 000 morts.
« Quitte dans leur affaire! » (Ne pas se mêler), c’est le slogan de cette manifestation dont un des buts était de demander à la forte communauté ouest-africaine en Côte d’Ivoire de ne pas se « laisser instrumentaliser » par les politiciens lors de l’élection de 2020. « Si tu es un ressortissant Cedeao (Communaute économique de États de l’Afrique de l’Ouest), ne te mêles pas de la politique ivoirienne, cela peut éviter beaucoup d’ennuis ! » a déclaré l’Ivoiro-Burkinabè Emile Kima, figure de la communauté burkinabè. « La Côte d’Ivoire est une plaque tournante de la sous-région et nous allons vers les élections de 2020 et cela fait peur aux ressortissants des pays de la Cedeao. En 2009, 2010, 2011, on a pensé que les Maliens, Burkinabè… étaient pour Pierre ou pour Paul, il y a eu beaucoup d’exactions. C’est ce que nous voulons éviter », a-t-il déclaré.
À sa suite, Alcide Djédjé, l’ex-ministre ivoirien des Affaires étrangères, passé dans la majorité présidentielle du président Alassane Ouattara, a fustigé des discours violents : « On fait comme si on est amnésique et on est en train de retomber petit à petit dans la guerre par les invectives, les querelles intestines », a-t-il regretté, dénonçant « une classe politique qui n’a pas pris conscience huit ans après ».
Gagnoa, une importante ville, à 250 km au nord-ouest d’Abidjan, a été choisie pour abriter cette rencontre en raison de sa situation « de porte d’entrée » dans l’Ouest ivoirien qui concentre les plus fortes populations de la Cedeao, engagées dans la culture du cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial. C’est aussi la ville natale de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, acquitté en janvier par la Cour pénale internationale de crimes contre l’humanité commis en 2010 et 2011 et qui attend en Belgique en liberté sous conditions la décision de la CPI sur l’appel de la procureure.
Réconciliation
Début juin, l’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié (1993-99), ancien allié de Ouattara passé dans l’opposition, avait lancé, après des récentes violences meurtrières intercommunautaires dans le centre du pays : « On fait en sorte que l’Ivoirien soit étranger chez lui. Mais les Ivoiriens n’accepteront jamais cela ». Il évoquait aussi « d’autres (étrangers) qu’on fait venir clandestinement » et à qui « on fait faire des papiers », possiblement pour « fausser » la présidentielle de 2020.
Ces déclarations avaient soulevé une vive controverse. Le gouvernement avait condamné des « propos d’une extrême gravité, appelant à la haine de l’étranger ».
La question de la réconciliation reste sensible en Côte d’Ivoire, après les douze années de crise politico-militaire dans le pays de 1999 à 2011. La Côte d’Ivoire abrite 25 millions d’habitants, dont plus de six millions d’étrangers, surtout des Ouest-Africains, notamment des Burkinabè, selon des statistiques non officielles. Le meeting de Gagnoa s’est achevé dans le calme, les organisateurs promettant de parcourir de nombreuses villes ivoiriennes pour lutter pour la paix.
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