Bisbilles diplomatiques

Contre toute attente, Alger a accepté le plan de paix de l’ONU sur le Sahara occidental, présenté le 25 mai 2003.

Publié le 21 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Deux événements ont fait, le 13 juillet 2003, la une des médias publics algériens : les États-Unis ont déposé, le 11 juillet, au Conseil de sécurité des Nations unies, un projet de résolution soutenu par l’Algérie et le Front Polisario, entérinant le « Plan de paix pour l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ». Ce dernier étant l’oeuvre de l’envoyé personnel de Kofi Annan pour le Sahara occidental, l’ancien secrétaire d’État américain James Baker. Deuxième événement : les déclarations fort élogieuses du secrétaire d’État adjoint Richard Armitage à l’égard de l’Algérie. Pour les journaux marocains – de L’Opinion à El Bayam en passant par Aujourd’hui le Maroc – et espagnols, pas de doute : Washington se range ainsi derrière la position de l’Algérie sur ce dossier qui empoisonne la région et le continent depuis plus d’un quart de siècle. En revanche, la presse privée algérienne évoque plutôt des pressions américaines sur Alger pour qu’elle accepte ce plan et, surtout, le fasse accepter par les indépendantistes du Polisario. Les journalistes algériens citent trois noms pour désigner les coupable du « lâchage du peuple sahraoui » : Ahmed Ouyahia, Premier ministre, Abdelkader Messahel, ministre délégué aux Affaires africaines et maghrébines, et Abdallah Baali, représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations unies. Ces trois hommes sont, depuis des lustres, en charge de ce dossier. En outre, ils incarnent le courant proaméricain dans le sérail. Bref rappel historique.
L’affaire du Sahara occidental a été inscrite au comité de décolonisation des Nations unies en 1966. Depuis le retrait, en 1974, de l’armée coloniale espagnole et l’annexion du territoire par les troupes marocaines, les indépendantistes du Front Polisario, soutenus et hébergés par l’Algérie, et le royaume du Maroc se disputent la souveraineté de ce territoire désertique riche en phosphates et, dit-on, en pétrole. De multiples tentatives de médiations entre les deux parties se sont succédé. En vain. En 1991, l’ONU élabore un plan devant mener à un référendum d’autodétermination. Échec. En 1995, sous le parrainage de James Baker, les négociations de Houston donnent naissance aux accords portant le nom de cette ville du Texas. À cause de divergences entre les parties concernant l’établissement des listes électorales, le référendum s’avère inapplicable. En 1999, Baker propose une troisième voie, mais son accord-cadre est rejeté par le Polisario et l’Algérie. Le dossier est coûteux pour l’ONU : 500 millions de dollars, soit 447,5 millions d’euros, depuis 1991. James Baker informe les deux parties, ainsi que les observateurs algériens et mauritaniens, que la nouvelle mouture de son plan de paix ne sera plus négociable. Le 25 mai 2003, il remet sa copie à Kofi Annan, qui la transmet aux belligérants. Marocains, indépendantistes et Algériens la rejettent. Un mois plus tard, contre toute attente, Alger et le Polisario adhèrent au plan Baker. Que s’est-il donc passé ?
Le Polisario a clairement signifié que son accord a été arraché à la suite de pressions algériennes. Pis : les indépendantistes ont « briefé » un journaliste d’un quotidien algérois du soir sur le contenu d’une réunion qui a regroupé, la dernière semaine de juin, à Djenane el-Mithaq, une résidence d’État à Alger, Mohamed Abdelaziz, président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), et le trio de diplomates algériens. « Ouyahia, Messahel et Baali font pression sur Abdelaziz » titre un journal, pendant qu’un autre affirme « Alger lâche le Polisario ». En fait, les réunions de ce genre sont périodiques. « Il est normal qu’entre alliés il y ait de temps à autre des réunions de concertation, affirme Messahel. Il n’y a pas eu de pressions, mais discussion. Nous avons informé nos interlocuteurs de notre décision d’accepter le plan Baker. Notre position n’a nullement changé. » Pourquoi le texte de Baker, hautement suspect en mai 2003, est-il devenu subitement intéressant un mois plus tard ? Cette démarche obéit à une stratégie : isoler le Maroc au plan diplomatique en le faisant passer pour l’unique obstacle à une solution politique. Une stratégie payante ? On en saura plus à l’issue du vote du Conseil de sécurité de l’ONU, prévu le 28 juillet à New York. Quant aux rapports entre le Polisario – qui, tant qu’à se rallier au plan Baker, aurait souhaité à tout le moins l’annoncer lui-même avant que son « protecteur » algérien ne le fasse – et l’équipe Ouyahia, ils ne seront plus jamais les mêmes. L’initiative de Mohamed Abdelaziz d’utiliser une presse jugée hostile au Premier ministre pour « vendre » l’idée d’un lâchage ne sera pas sans conséquences.

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