Un baobab nommé Césaire
Né en 1913 à Basse-Pointe, le Martiniquais Aimé Césaire souffle ses 91 bougies ce 26 juin ! L’auteur du Discours sur le colonialisme n’a pas écrit de Mémoires, mais il est toujours « heureux de savoir qu’on se souvient de sa date de naissance ».
Les années 1930. L’Afrique, continent des ancêtres, ploie encore sous le joug de la colonisation. Première ligne de front aux Antilles de la lutte contre la domination : le mouvement l’Enfant noir. Pour torpiller les lois de Vichy, les Nègres des champs de canne à sucre se réfugient dans une revue : Tropiques. Officiellement, elle parle de la faune et de la flore. Mais en réalité, c’est une sagaie. « Beaucoup n’ont pas compris les premiers articles publiés dans la revue, dit Aimé Césaire. L’intérêt que nous accordions à la faune, à notre brousse, n’était que le regard que nous portions sur nous-mêmes. Notre société. Les tares de la République raciste et esclavagiste. La feuille qui se fanait sous la plume de René Ménil et autres, c’était nous ! C’est pourquoi André Breton, qui l’avait compris, nous accordera tout son soutien en venant nous voir à Fort-de-France. » Mais c’est en métropole, où il était député à l’Assemblée nationale, et en compagnie de Léopold Sédar Senghor, dont il avait fait la connaissance au lycée Louis-le-Grand, que Césaire construit son oeuvre d’homme engagé. La « négritude » fait du Quartier latin son QG. Libérée de l’ennemi allemand, la France ne libère pas ses colonies. Les intellectuels noirs s’organisent autour d’Alioune Diop, qui crée la revue Présence africaine, aujourd’hui maison d’édition. Césaire se dépense sans compter pour ses frères africains. Il célèbre Haïti, la première République noire, à travers Toussaint-Louverture. Il désespère lorsqu’on assassine le héros d’une Saison au Congo, Patrice Lumumba. Que les indépendances aient échoué, déçu, dans leur majorité, le chagrine. Mais il reste convaincu de la nécessité de l’union des Africains, des Nègres.
L’Afrique, grâce aux éditions Cauris, l’a célébré en 2003 à Bamako, au Mali. L’hommage a donné lieu à un livre, Césaire et nous, une rencontre entre l’Afrique et les Amériques au XXIe siècle, avec la contribution d’écrivains, d’universitaires et de cinéastes du monde noir : Cheikh Hamidou Kane, Édouard J. Maunick, Joseph Ki-Zerbo, Euzhan Palcy, Abderrahman Sissako… Autre hommage, l’an dernier, à Fort-de-France, ville dont le poète fut maire pendant un demi-siècle.
Joyeux anniversaire, soldat de couleur, « bouche des malheurs qui n’ont point de bouche » !
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