Témoin à charge
Publié le 21 juin 2004 Lecture : 1 minute.
Le 11 juin 1999, le vraquier Number One, qui naviguait sous pavillon de complaisance, coule au large du Sri Lanka, dans le golfe du Bengale. Quatre marins sénégalais, sept ukrainiens et le capitaine français Jacques Richardeau périssent noyés. Quatre ans plus tard, le 18 mars 2003, le tribunal de grande instance de Saint- Nazaire condamne les armateurs français du navire, les frères Raoul et André Spitzer, et leur conseiller technique, Jean-Paul Le Coz, à trois ans de prison (dont deux avec sursis). Kaiji Kyokai, société japonaise de classification des navires, écope, elle, de 225 000 euros d’amende pour avoir permis à un bateau en mauvais état et rafistolé en dépit du bon sens de prendre la mer. Les 17 et 18 juin dernier, le procès en appel de l’affaire s’est déroulé à Rennes. Me Morinière, avocat des ayants droit des marins sénégalais, a saisi l’occasion pour présenter le témoignage de Falilou Diagne, qui avait refusé de monter à bord du bateau.
Joint lors d’une escale sur les côtes françaises, il se souvient : « J’ai quitté le bateau parce qu’il était pourri. M. Le Coz, avec qui j’étais en contact, n’a rien voulu entendre. Lors du premier chargement, le navire présentait une gîte importante. L’intérieur des cabines était calfeutré avec des carreaux de grès. Mes quatre compatriotes sénégalais n’avaient pas de métier, ils ne pensaient qu’à l’argent qu’ils pouvaient gagner. » Falilou Diagne n’a pu convaincre Louis Gomis, Insa Goudiaby, Mamadou Ndong et Mustapha Sané de renoncer à quelques mois de salaire. Ils en sont morts. Et, plus tard, les armateurs auraient « donné de l’argent pour que les familles se taisent ». Optimiste, Jean-Luc Caillou, du syndicat CFDT ITF des marins, espère qu’un tel procès permettra de « démonter la chaîne de la complaisance » et fustige les nouveaux pavillons qui se créent, notamment ceux du Cambodge et de São Tomé e Príncipe.
