Selon l’Union africaine, « la production africaine ne parvient pas à satisfaire sa demande intérieure »
Dans son rapport 2019 sur le développement africain, la Commission économique de l’Union africaine, en collaboration avec l’OCDE, relève l’insuffisance de création d’emplois de qualité sur le continent, et suggère un meilleur accompagnement politique au profit de la productivité des entreprises.
Chaque année, 29 millions de jeunes Africains vont se présenter sur le marché du travail, et ce, jusqu’en 2030. Comment leur permettre de trouver un emploi de qualité ? C’est l’un des axes abordés dans le rapport économique de la Commission de l’Union africaine (CUA), produit en collaboration avec le Centre de développement de l’OCDE, publié ce mardi 4 novembre à Antananarivo, à Madagascar, qui dresse par ailleurs un constat sans complaisance.
« Pour les jeunes et les femmes d’Afrique, décrocher un emploi de qualité reste exceptionnel : environ 42 % des jeunes en âge de travailler vivent avec moins de 1,90 dollar par jour (en parité de pouvoir d’achat) tandis que 12 % seulement des femmes d’âge actif avaient un emploi salarié en 2016 », relève l’étude. Dans certains pays, pratiquement 91 % de la main-d’œuvre non agricole travaille toujours dans le secteur informel.
Pourtant plus forte qu’ailleurs dans le monde, notamment en Amérique latine et en Europe, la croissance africaine n’a pas suffisamment créé d’emplois de qualité, ni entraîné de véritables gains de bien être. En dépit d’un contexte mondial morose, elle devrait pourtant rebondir à 3,6 % en 2019 puis s’établir à 3,9 % entre 2020 et 2023.
Exportations en recul
Or, « se limiter à regarder la croissance revient à se rendre chez le médecin et qu’il se borne à vous demander votre poids », ironise d’ailleurs Mario Pezzini, directeur du centre de développement de l’OCDE.
L’OCDE attire notamment l’attention sur le fait que la transformation productive est limitée en Afrique, surtout dans les secteurs employant le plus de main d’œuvre, et que cela constitue en partie sa faiblesse. « La production africaine ne parvient pas encore à satisfaire la demande intérieure : entre 2009 et 2016, les exportations africaines de biens de consommation à destination des marchés africains ont reculé de 12,9 milliards de dollars à 11,8 milliards, soit une érosion dans le PIB du continent de 0,8 % à 0,5 % sur la même période », souligne l’OCDE.
Avec cette tendance, les entreprises africaines risquent de perdre des marchés au profit de nouveaux concurrents internationaux, avance l’OCDE : « Le ratio Afrique/Asie de la productivité de la main-d’œuvre est passé de 67 % en 2000 à 50 % actuellement ».
En Côte d’Ivoire et à Madagascar, les jeunes chefs d’entreprise ne savent en général pas tenir une comptabilité simple
Certes, le paysage entrepreneurial du continent évolue. « Bon nombre des « champions » panafricains, comme l’Office chérifien des phosphates au Maroc ou MTN en Afrique du Sud, diversifient leurs produits et leurs marchés pour opérer à l’échelle continentale. De jeunes pousses comme Jumia (au Nigeria) ou M-Kopa (au Kenya) s’appuient sur de nouveaux modèles d’affaires et les nouvelles technologies pour se positionner sur un marché local et régional en plein essor et attirer d’importants investissements.
En 2018, les start-up africaines de haute technologie ont levé près de 1,2 milliard de dollars de capitaux propres, contre 560 millions en 2017, énumère le rapport.
Besoin de politiques publiques proactives et coordonnées
Néanmoins, regrettent les auteurs, les Africains, s’ils ont la fibre entrepreneuse, l’une des plus fortes au monde, manquent aussi souvent des capacités de base pour réussir. « En Côte d’Ivoire et à Madagascar, les jeunes chefs d’entreprise ne savent en général pas tenir une comptabilité simple, configurer un site industriel, utiliser des outils de planification pluriannuelle, identifier un progrès technologique pertinent ou cultiver leurs ressources humaines », écrivent-ils.
La réponse ? Elle réside, selon l’OCDE, dans des politiques publiques plus proactives et coordonnées à tous les niveaux : continental, régional, national et local. « Cette coordination doit concerner trois domaines prioritaires : garantir l’offre de services appropriés aux regroupements d’entreprises ou clusters ; développer des réseaux de production régionaux ; et améliorer la capacité des exportateurs à se développer dans des marchés en mutation”, indique l’OCDE.
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